Chelli

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Chelli s'occupe de sa sœur Gabby, handicapée mentale. Quand les services sociaux découvrent que Gabby reste seule à la maison lorsque sa soeur part travailler, Chelli se retrouve contrainte de la placer dans un institut de jour. Ce changement va cependant lui permettre de se rapprocher de Zohar. La présence de cet homme dans sa vie va engendrer une fêlure dans la relation symbiotique des deux sœurs. Tous trois forment alors un trio étrange, où les frontières entre amour, sacrifice et torture vont être brisées.

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ATTENTION film exceptionnel comme le fut la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs cette année

Chelli, Gabby… Deux prénoms qui sonnent joyeux comme peuvent être joyeuses deux jeunes sœurs fusionnelles. Aussi brunes, aussi fines l'une que l'autre. Pas grand chose ne les sépare hormis la longueur de leurs cheveux et le handicap de Gabby. À moins que ce dernier ne les rapproche encore plus. Car Chelli ne lâche rien et surtout pas sa sœur. Sa vie entière est un rituel rythmé aux pas de sa cadette. Il y a l'heure du réveil et l'heure de la faire manger. L'heure de partir travailler en laissant là son petit cœur brisé. L'heure de rentrer à la maison pour constater les dégâts faits par Gabby qui se venge parfois. L'heure du bain, des chamailleries, les mandales qu'elles se mettent, puis les câlins très doux, très sensuels qui consolent, rafraîchissent comme un baume sur les brûlures de la vie. Puis l'heure du coucher… Gabby en demande toujours plus, ne veut jamais rester seule longtemps. Chelli est comme une louve toute puissante protégeant sa sœurette, refusant que qui que ce soit pénètre dans leur périmètre. Surtout pas leur mère qu'elle n'estime pas à la hauteur. Surtout pas les services sociaux qui pourraient les séparer. Encore moins les voisins qui se plaignent des crises bruyantes de la jeune retardée mentale. Chelli fait la sourde oreille, fuit, se bat comme elle peut, comme elle pense le mieux, endossant la cape valorisante de l'héroïne patiente, dévouée, seule contre tous. Mais sous cette admirable abnégation se dessinent des non-dits inextricables…

L'enfer étant pavé de bonnes intentions, on finit par se demander si celles de Chelli ne façonnent pas les barreaux de la prison de Gabby. Elle s'empêche d'exister, tout autant qu'elle empêche sa sœur handicapée d'acquérir le peu d'émancipation qu'elle pourrait avoir. Et cela pourrait se cristalliser ainsi si l'assistante sociale ne se faisait plus pressante, obligeant Chelli à placer Gabby quelques heures dans un foyer. Si Zohar, son beau et ténébreux collègue, ne venait pas prendre par amour une part active dans leur histoire : attentif à Gabby parce qu'irrésistiblement attiré par Chelli… Peu à peu l'une et l'autre se laissent apprivoiser par les nouveaux personnages qui rentrent dans leur quotidien, qui jouent un rôle séparateur, obligeant chacune à une petite révolution intérieure. Délivrant de leurs boîtes de pandore leurs pulsions cachées, les désirs de leurs corps, inavouables. Et celle qui semble supporter le plus mal ces changements n'est pas celle qu'on aurait imaginé…

Vous l'aurez compris, le film dépasse le cadre du handicap et nous interroge sur notre rapport à l'autre, à la dépendance, à la victimisation. C'est d'une complexité brillante, dérangeante. Extrêmement fin, intelligent, pas consensuel, ça dépote carrément, ça vise juste. Il faut dire que l'actrice principale est aussi la scénariste, qu'elle est partie de sa propre expérience de vie avec sa sœur handicapée pour construire le récit et que cela apporte beaucoup de profondeur et d'authenticité à tous les personnages.

On pourrait même, en extrapolant, y voir une fable sur la politique internationale, le paternalisme colonisateur… Décidément passionnant, ce petit bijou israélien !