Indésirables

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Aldo, jeune infirmier sans souci est très amoureux de Lucie, étudiante dont il partage la vie. Il perd son emploi. Pour continuer à payer les études de sa fiancée, il devient accompagnant sexuel pour personnes handicapées, poussé par deux amis de Lucie, non voyants, qui lui trouvent de bonnes raisons morales et de le faire. Les rencontres se suivent et ne se ressemblent pas, de la douce et sentimentale Stéfana au cynique Emmerich, en passant par l'étrange couple formé par Andréas et sa sœur mutique... Sa nouvelle activité, qu'il cache à Lucie, l'entraîne dans des expériences insolites et dérangeante, dont il sortira profondément transformé.

Vos commentaires et critiques :

Philippe Barrassat, on le connaissait et on l'aimait pour ses courts métrages, drôles et dérangeants, et notamment Mon copain Rachid, dont le jeune héros était fasciné par le développement de la virilité chez son copain de classe. Indésirables (clin d'œil malicieux au beaucoup plus consensuel blockbuster Intouchables ?) est son premier long, et c'est également une comédie acide (mais genre acide chlorhydrique concentré) sur les rapports complexes qu'entretiennent valides et handicapés, rapports qui se compliquent encore dès qu'il s'agit d'envisager la sexualité des personnes handicapées, domaine du tabou et de l'hypocrisie…

Aldo est un garçon somme toute heureux, voire bienheureux. Il file le parfait amour avec Lucie, une jeune et belle étudiante en stylisme. Lui est infirmittent, autrement dit infirmier intermittent, et court après les heures de garde pour subvenir aux besoins du couple. Mais il vient de se faire virer de son poste principal et il en est réduit à tenter de corrompre des chefs de service complaisants pour trouver un nouveau contrat, un tant soit peu permanent. C'est alors qu'arrivent deux nouveaux colocataires, Vanessa et son jeune frère Sergueï, une étrange fratrie de malvoyants passablement exubérants… et envahissants. D'autant qu'Aldo comprend rapidement que Vanessa n'est pas insensible à son charme, à tel point qu'elle lui propose un petit arrangement financier : un peu d'argent contre un peu d'amour… Pris de court et choqué, il refuse catégoriquement dans un premier temps… et puis, face aux problèmes financiers qui s'accumulent, il se laisse fléchir et commence à mettre le doigt dans l'engrenage de l'assistanat sexuel et, pour appeler un chat un chat, de la prostitution occasionnelle, auprès de Vanessa puis d'autres personnes handicapées.

À travers une fable volontiers provocatrice, qui s'offre quelques échappées burlesques avec une poignée de personnages hauts en couleurs, Philippe Barassat pose un regard sensible et lucide, sans fausse pudeur aucune, sur la construction du désir. Désir des personnes handicapées pour le bel Aldo (de fait Jérémie Elkaïm est très désirable), désir qui généralement reste à l'état de frustration, mais aussi désir d'Aldo qui peu à peu va apprendre à aimer faire l'amour à des corps que l'on dit laids ou contrefaits. Cela nous vaut quelques scènes très belles et troublantes, comme avec cette femme qui dénude son corps grièvement brûlé… Mais le film ne fait évidemment l'impasse ni sur l'aspect tarifé des relations ni sur la dépendance que les personnes handicapées éprouvent pour Aldo, dépendance qui peut mener à la souffrance, à la rancœur, voire à la méchanceté…

C'est un film salutairement malséant, filmé dans un noir et blanc élégant, et porté par des acteurs qui n'ont pas froid aux yeux. La plupart de ceux qui jouent les personnages handicapés le sont réellement, ils sont impressionnants et donnent des leçons de vie – pas forcément gentilles, loin de là, on n'est pas chez les Bisounours – aux valides. Ça dérange, ça prend à rebrousse-poil, ça bouscule plein d'idées reçues. Un pavé dans la mare, une contribution inconfortable aux délicats débats sur le droit des handicapés à vivre leur sexualité, sur l'assistanat sexuel, sur la prostitution…