Mustang TP

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C'est le début de l'été.
Dans un village au nord de la Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l'école en jouant innocemment avec des garçons. La débauche supposée de leurs jeux suscite un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l'école et les mariages commencent à s'arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.

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SPÉCIAL QUINZAINE DES RÉALISATEURS

Mustang nous plonge dans une Turquie qui, depuis quelques années, subit une lente mais indéniable refonte sociale qui ne va pas forcément dans le bon sens… Le film traduit la fougue contagieuse d'une jeune réalisatrice qui manifestement ne se reconnait pas dans ces transformations. C’est le dernier jour de l’année dans ce collège d’un village de bord de mer. Un moment bien particulier qui draine son lot d’émotions fortes et de sentiments contradictoires. La tristesse de quitter ses camarades de classes, d’en être séparé pour un temps qui parait une éternité, la joie d'être délivré des obligations quotidiennes, de pouvoir vivre les aventures palpitantes des vacances. La tristesse, Lale et ses quatre sœurs la vivent effectivement, serrant bien fort copines et copains dans leurs bras. Lale se montre particulièrement émue par le départ d’une de ses enseignantes pour Istanbul. Après les séparations et les embrassades, place à l’euphorie de ceux qui restent : les cinq sœurs et quelques garçons se dirigent vers une plage magnifique pour se prêter à des batifolages aquatiques gentiment chahuteurs. Mais ces jeux innocents et joyeux ne sont pas du goût de tout le monde et suscitent un scandale aux conséquences inattendues. L’honneur est en jeu, il faut répondre à l’accusation d’une voisine, une de ses gardiennes d’une morale d’un autre temps qui crie à la débauche. La grand-mère se lamente, l’oncle l'accuse de laxisme et promet la remise au pas. Mais rien ne semble atteindre cette fratrie unie comme les doigts de la main, ces cinq filles belles comme des cœurs, vives, espiègles, d'une complicité qui crève l’écran. Orphelines depuis dix ans, elles sont élevées par une grand-mère un peu dépassée devant les désirs adolescents qui s’expriment avec un insolent naturel. Malgré la dureté de leur oncle, elles s’arrangent avec les interdits et se créent des espaces de libertés telle Sonay qui n’hésite pas à faire le mur pour rejoindre son amoureux. Puis vient la goutte d'eau qui fait déborder le vase du puritanisme familial lorsque elles bravent l’interdiction de se rendre à un match de foot : le pot au rose est découvert au travers d’une scène assez comique. À partir de là, serrage de vis en règle : on les revêt de longues robes « couleur de merde » – dixit Lale – et on les accompagne au village comme pour les exposer. Une vaste entreprise matrimoniale se met branle et dès lors tout sera fait pour pour empêcher les sœurs d’échapper à ce destin contraint : on met sous clef ordinateurs et téléphones, on installe des barreaux aux fenêtres, on rehausse les murs d’enceinte de la maison, qui se transforme en prison. Et commence le défilé ridicule des familles de prétendants. Tout est mis en œuvre pour éduquer ces jeunes femmes à devenir de bonnes épouses, dociles, respectueuses de leur mari, de la tradition, de la religion. À la rentrée, aucune ne retourne à l’école, les cours de pratiques ménagères suffisent ! Mais le désir de liberté et d'accomplissement personnel est toujours là… Ne vous y trompez pas, Mustang est bien plus un appel à l'affirmation, et si nécessaire à la révolte des filles et des femmes que le constat fataliste d’une société en régression. À travers cette chronique vivifiante d'adolescence rebelle, la réalisatrice nous dit clairement qu'il faut garder l'espoir, qu'il y a des espaces de liberté à sauvegarder ou à conquérir. Même si le combat quotidien est difficile… La Turquie, avec une population à 99% musulmane, a été fondée en 1923 comme république laïque, mais depuis 2002 le gouvernement Erdoğan a entamé un retour à la morale religieuse. En 2012, Recep Tayyip Erdoğan comparait l'interruption volontaire de grossesse – autorisée depuis 1983 jusqu'à dix semaines de grossesse – à un meurtre et, fin 2014, il atteignait des sommets en affirmant haut et fort, Coran à l'appui, que les femmes ne pouvaient être considérées comme les égales des hommes…