Gaby Baby Doll

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Gaby, on ne devrait pas la laisser seule la nuit. Or, c'est justement ce que fait Vincent, son petit ami, pour mettre son amour à l'épreuve. Elle a pourtant du mal à contrarier sa nature et, a vite fait d'épuiser la patience des gars du village. Mais cette histoire abrite un autre personnage: Nicolas, gardien du château, et c'est vers cet expert en solitude, que Gaby choisit de se tourner - quitte à le détourner de son cher chemin.

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Les paumés de la life

En ces temps grisailleux, voilà-t-y pas un joli conte de fée burlesque dont les deux héros en principe incompatibles pourraient être vus comme des « handicapés de la life » (pour reprendre la terminologie de l’héroïne). Gaby est une jolie citadine un chouïa tête à claques et pot de colle, passablement futile et névrosée, qui a la fâcheuse phobie de rester seule. Nicolas est tout le contraire, gardien taciturne et solitaire d’un château à l’abandon, vivant dans une cabane minuscule avec son chien.

Le film commence par le débarquement d’un groupe de jeunes trentenaires parisiens dans ce joli coin paisible de Bourgogne. Comme tout Parisien découvrant la campagne, ils s’émerveillent du moindre fruit pendant à un arbre, se chamaillent pour la répartition des chambres, alignent les poncifs assez drolatiques (une des filles dit qu’elle aimerait « laisser ici son corps en jachère », histoire de se reposer) et surtout parlent encore et encore, évoquant la troupe de filles bavardes délicieusement insupportables de La Vie au ranch, premier long métrage jubilatoire de Sophie Letourneur qui restera probablement un matériau parfait pour les sociologues désireux d’étudier les jeunes filles urbaines de notre début de millénaire. On comprend que tout ce petit monde accompagne Gaby, à qui son psy probablement inquiet a prêté sa maison de campagne pour s’y mettre au vert, loin du tumulte de la ville qui entraîne la jeune fille dans son tourbillon de névroses et d’angoisses. Elle a amené Vincent, son petit ami, mais il ne va pas résister longtemps aux petites manies de la belle, du coup il décide de mettre Gaby à l’épreuve de la solitude, du moins pour une saison. Pari très vite perdu, la donzelle, désemparée de se voir si seule en ce manoir, traîne chaque soir dans l’unique bar du village pour trouver un homme du coin, pas forcément à des fins sexuelles mais pour avoir une compagnie.

Jusqu’au jour où Gaby va rencontrer Nicolas et son chien, le marginal du coin connu du bar/épicerie pour y venir chercher quotidiennement ses Figolu ou Palmito qui semblent constituer l’essentiel de sa nourriture. Tout les oppose, il se balade avec une chemise de bûcheron et des grosses godasses de rando, elle ne quitte pas ses escarpins à semelle compensée et sa mini-robe, même pour arpenter les chemins boueux de l’automne bourguignon. Mais elle ne va pas le lâcher jusqu’à ce que....

Sophie Letourneur dresse joyeusement le portrait de deux personnages aussi irritants que sympathiques, qui ont fait un bon pas de côté dans leur vie, par choix ou pas... Pour raconter, sur le mode du conte – on a les ingrédients: la princesse, l’ogre bourru, les angoisses de l’enfance, un paysage parfois inquiétant et des surprises quasi irréelles –, cette rencontre improbable, la réalisatrice manie aussi bien l’humour burlesque, servie par des comédiens non professionnels hilarants (on se croirait parfois dans l’univers rural d’Alain Guiraudie), qu’une mise en scène qui rend la campagne bourguignonne quasi-fantastique, avec ces plans récurrents où l’on voit le chien passer et suivre les personnages, avec ce château et sa cabane de jardinier dérisoire...

Pour nous embarquer dans l’univers cocasse et fantasque de cette comédie pas comme les autres, un remarquables duo d’acteurs: Benjamin Biolay, en gardien hirstute du château, traine parfaitement sa nonchalance et son apparente indifférence, et, tout à l’opposé, Lolita Chammah ( révélée par le formidable et décalé Copacabana, où elle donnait la réplique à Isabelle Huppert, sa mère à la ville et à l’écran ) fait merveilleusement et tour à tour la godiche ahurie, l’ingénue manipulatrice (elle mérite bien son qualificatif de Baby Doll) ou la touchante paumée qui ne trouve sa voie qu’au contact d’une autre âme perdue...