Ixcanul

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Maria, jeune Maya de 17 ans, vit avec ses parents dans une plantation de café sur les flancs d'un volcan, au Guatemala. Elle voudrait échapper à son destin, au mariage arrangé qui l'attend. La grande ville dont elle rêve va lui sauver la vie. Mais à quel prix…

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Dès la première séquence, on est saisi par la beauté et la puissance de ce visage de jeune fille pris en plan serré alors que les mains de sa mère tressent ses cheveux et les ornent de fleurs. Un regard sombre et empreint de tristesse, peut être de résignation… On découvre ainsi Maria, jeune paysanne qui vit sur les contreforts d'un volcan des hauts plateaux guatémaltèques et que sa famille a promise au propriétaire terrien du coin… Maria vit dans une famille pauvre de paysans saisonniers, lointaine descendante des prestigieux Mayas, réduits à être des Indiens indigènes dans un pays désormais exclusivement dominé par les héritiers des conquistadores espagnols… Des paysans si pauvres, vivant chichement de leur travail sur les plantations de café, qu'ils ne peuvent refuser le mariage arrangé pour leur fille. Mais derrière le visage marmoréen de Maria, qui ne montre ni satisfaction ni révolte, il y a en secret la ferme détermination de ne pas se laisser piéger par le destin qu'on lui a promis. Maria veut partir au-delà du volcan, loin, très loin, pour échapper à ce déterminisme qui veut l'enfermer. Et elle entretient une relation amoureuse furtive avec Pépé, un jeune homme qui comme des milliers de ses compatriotes rêvent de l'autre Amérique, celle de l'autre côté comme il dit… mais il oublie qu'entre les États-Unis prospères et lui, il y a le Mexique et tous les dangers de la longue route de l'immigration. Maria quant à elle, habitée par la soif de liberté et l'envie d'ailleurs, ignore tous les obstacles et veut coûte que coûte partir… se donner pleinement à Pépé et vivre sa vie… Mais la réalité sera cruelle, les hommes seront toujours les hommes avec leur lâcheté et leur égoïsme…  Le jeune réalisateur guatémaltèque Jayro Bustamante, qui a longtemps vécu en France, signe là un magnifique retour au sein de son peuple, très rarement représenté à l'écran. C'est une splendide peinture naturaliste de la vie paysanne (on pense par exemple à une des premières scènes qui montre un verrat que l'on saoule au rhum pour le pousser à saillir la truie), une étude sans complaisance des croyances ancestrales qui peuvent paraître absurdes, telle celle qui voudrait qu'une femme enceinte fasse fuir les serpents… Jayro Bustamante nous donne une vision terriblement lucide de la situation de ses frères et sœurs indigènes, considérés comme des citoyens de seconde zone, comme dans cette séquence terrible où la famille doit se rendre aux urgences à la ville et où elle est traitée avec indifférence, voire mépris, du fait de sa méconnaissance de la langue espagnole. Ce premier long métrage témoigne d'une maîtrise remarquable du cadre, aussi bien dans les scènes d'extérieur qui magnifient le volcan que dans les scènes d'intérieur, filmées en plans serrés dans une lumière parfois irréelle, comme dans ce passage extrêmement tendre et sensuel où la mère s'occupe de sa fille au bain dans les volutes de fumée. Si le film dégage une telle force, une telle authenticité, il le doit notamment au jeu des acteurs – pour la plupart non professionnels et presque tous mayas : le film est d'ailleurs essentiellement parlé en maya cakchiquel – et tout particulièrement de Maria Mercedes Coroy, dont le réalisateur a su pendant de longues semaines dompter la pudeur et la timidité pour arriver à ce merveilleux résultat…