Titli, une chronique indienne -12

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Dans la banlieue de Delhi, Titli, benjamin d'une fratrie de braqueurs de voitures, poursuit d'autres rêves que de participer aux magouilles familiales. ses plans sont contrecarrés par ses frères, qui le marient contre son gré. mais Titli va trouver en Neelu, sa jeune épouse, une alliée inattendue pour se libérer du poids familial...

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Une plongée dans une Inde brute de décoffrage, d'une authenticité criante, d'une force saisissante. Une chronique indienne loin des clichés et des quartiers touristiques, antithèse des productions Bollywoodiennes. Titli est le benjamin d'une fratrie infernale, si docile face aux grandes gueules de sa famille qu'on pourrait prendre ça pour de la gentillesse. Avec son prénom de fille (qui signifie papillon), son aspect chétif, peut-être était-il prédestiné à avoir une sensibilité plus développée que ses frères. Ce n'est pas difficile : entre l'aîné Vikram, habitué à tout obtenir par la violence, et le cadet Baawla, qui joue les éternels soumis, il faudrait être demeuré pour faire pire…

Fruit d'un père manipulateur immoral et d'une mère absente, cette engeance-là, élevée dans une ignorance crasse, n'a pour repère que les codes d'un quartier miteux, aux maisons basses sur pattes, où chacun semble vivoter grâce à de bien peu glorieuses combines. Ça braque, ça casse des bagnoles en délogeant les conducteurs sans ménagement. Le peu de sentiments qui survivent dans leur monde déshumanisé sont autant d'armes malsaines pour assujettir leurs semblables. Mais en dehors, est-ce bien mieux ? Entre les flics véreux, les notables qui s'engraissent, la corruption, la ville qui grossit, telle une affreuse tumeur, parsemant ses nouveaux quartiers bétonnés comme autant de métastases… On imagine le futur Dehli enfoui sous des immeubles démesurés, des enseignes internationales de fastfood, de marques, loin de ce qui constituait la richesse de la culture indienne. Et l'humain dans tout ça ? Les lendemains prévus ne font pas partie de ceux qui chantent.

À vingt et quelques années, on a envie de rêver. C'est ce que fait Titli. Oh, Il ne rêve pas bien loin, allez ! Il s'imagine à la tête d'un petit parking, grignotant quelques miettes de cette société de consommation, fuyant la maisonnée et ses hommes sans loi. Mais comment le leur dire ? S'ils l'ont envoyé étudier, sans bien comprendre à quoi ça sert, ce n'est pas par pure charité. Il est un placement pour la tribu. Il n'y a pas de contestation, d'alternative, pas d'arrangement possible, l'investissement devra leur rapporter. Son destin semble englué dans le bouge familial, à y survivre entassé à tout jamais.

Déterminé à quitter cet univers de mâles oppressant, Titli trame, complote, constitue un magot en cachette. Et, alors qu'il est sur le point de conclure l'affaire, il se fait avoir comme le novice qu'il est. Ses espérances se brisent telles le pot au lait de Perrette, tandis que s'envolent ses économies. Le voilà obligé de tout avouer aux siens qui lui tombent dessus…

Et c'est là que Baawla a un trait de génie : marier son benjamin. Et bien sûr Vikram va jouer les gros bras pour faire respecter la décision. Voilà Titli coincé entre ses deux frangins dans le salon des parents de sa future épouse, ni chère ni tendre : Neelu. L'heureuse Neelu, si j'ose dire, qui n'a pas plus voix au chapitre que son promis… Elle a pour elle d'être jolie, intelligente et courageuse. Comme toutes les femmes de ce film d'ailleurs. Mais ont-elles le choix ? Si elles ne veulent pas se laisser écraser par le patriarcat qui règne à tous les niveaux de la société, elles ne peuvent que redresser la tête.

Face à cet être qui lui paraît tout d'abord fragile, Titli commence à reproduire le modèle de ses aînés. Lui qui se croyait différent découvre qu'il porte le germe de cette domination violente qu'il déteste. Il se croyait meilleur, mais voilà qu'en position de force il se voit devenir à son tour un de ces despotes tyranniques qui ne pensent qu'à assouvir leurs pulsions…