My Old Lady

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Mathias, la cinquantaine, new-yorkais, divorcé et sans ressources, débarque à Paris pour vendre la maison qu'il a héritée de son père. Il découvre alors que ce magnifique hôtel particulier du Marais est habité par une vieille dame de 92 ans, Mathilde, et sa fille, Chloé. Un hôtel particulier que Mathilde a placé il y a bien longtemps en viager, coutume typiquement française que ne comprend évidemment pas cet Américain pragmatique, qui, non seulement ne peut plus vendre son héritage, mais se retrouve en plus à devoir payer une rente.

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Le film commence comme une jolie balade romantique dans le « Paris éternel ». Le décor est planté, Mathias, beau quinquagénaire, débarque fraîchement de New York, sans le sou mais plein de projets. En fait surtout un, bien précis : vendre au plus vite l'appartement dont il a hérité de son défunt père… mais il découvre encore plus vite que ce logement délicieux en plein cœur du Marais est habité par une vieille dame, Mathilde, et sa fille Chloé. En fait d'héritage, c'est d'un viager qu'il s'agit, système typiquement français qu'il a du mal à comprendre dans un premier temps et qui vient dans un second ombrager son tout frais bonheur d'héritier unique. On comprend que ce Mathias n'est pas que réussites et bonheur : trois divorces, pas de boulot, totalement fauché, c'était un peu sa dernière chance. Si Mathilde n'est en rien surprise, pas question pour Chloé et Mathias de se supporter le moins du monde : de subterfuges en contre-propositions malhonnêtes, se sera à qui fait la meilleure offre pour acquérir ou vendre en morceaux ce cadeau empoisonné.

Le casting est impeccable et le jeu d'acteur tout en finesse. Kevin Kline toujours juste, Kristin Scott Thomas immarcescible et Maggie Smith (qu'on peut voir aussi dans le second Indian Palace) pour toujours rayonnante portent le film. Ils cristallisent à eux trois toutes les histoires de vie d'une famille, plutôt de deux familles. Car sans dévoiler l'intrigue, vous saisirez aisément, fines mouches que vous êtes, que notre Mathias n'hérite pas par hasard – Mathias/Mathilde, on vous laisse deviner les connivences – de cet appartement. Il est lié à lui depuis bien longtemps, et il deviendra le lieu des révélations, la clef d'années de souffrance et de sentiment d'abandon, de solitude ineffable, puis leur catharsis et sûrement le salut de chacun.

Ce film n'est définitivement pas seulement une plaisante comédie de situation, c'est aussi un drame sur les existences torturées depuis l'enfance, les héritages, l'atavisme un peu trop lourd et les labyrinthes tortueux des secrets et du dysfonctionnement familial. On passe sa vie à vouloir plaire ou déplaire, à essayer de s'affranchir, mais on reste toujours le fils de son père.

Plus histoire progresse, et plus Chloé avec sa vie d'adulte craintive et Mathias avec sa colère incoercible vont se raconter, se rencontrer et se reconnaître, s'autoriser à laisser l'opaque et le superflu derrière eux. Chacun de ces trois personnages garde sa part d'ombre et d’égoïsme, tout autant que l'élan de vie doit rester plus fort. Jusqu'où l’égoïsme est-il acceptable pour préserver son bonheur ? Est-il vraiment possible de pardonner ? C'est un film émouvant sur les relations et les liens familiaux, tout simplement, offert avec force aux spectateurs par des huis-clos et des portraits de personnages finalement seuls avec eux-mêmes puis éclairés par leurs choix plus justes. Pour ce qui est du décor, les amoureux de Paris seront servis, on arpente la ville et les bords de Seine, « le sang » de Paris, comme le désigne le trop rare Dominique Pinon qui incarne ici un drolatique agent immobilier.

Le film est l'adaptation de la pièce à succès titrée en français « Très chère Mathilde », portée à l'écran par l'auteur lui-même. Réalisateur débutant, Israël Horovitz est un scénariste et dramaturge américain aussi productif que reconnu : plus de 50 pièces traduites dans le monde entier, et c'est aujourd’hui l’écrivain le plus joué en France. Ce film fait du bien, la vie toujours continue et fait des cadeaux, et il n'est jamais trop tard pour avoir une enfance heureuse…