Espèces menacées

Trois destins familiaux entrelacés. Joséphine et Tomasz viennent de se marier dans l’allégresse. Mais bientôt, derrière le bonheur solaire des époux, les parents de Joséphine vont découvrir une réalité plus sombre. Mélanie, elle, annonce à ses parents qu’elle attend un bébé mais le père de l’enfant n’a pas du tout le profil du gendre idéal ! De son côté, Anthony, étudiant lunaire et malheureux en amour, va devoir prendre en charge sa mère, devenue soudainement incontrôlable.

Vos commentaires et critiques :

Ils s'aiment trop ou ne s'aiment pas assez, ou alors les deux à la fois, mais surtout ils n'arrivent pas à parler, et quand ils parlent ils ne s'entendent pas, ne s'écoutent pas. Ils s'aiment mal. Ils sont tous attachants, ils sont jeunes ou le sont moins, ils sont beaux ou ne se posent pas la question : jeune fille en fleur dont le mec part en vrille le soir de son mariage et qui en guise de nuit de noces reste accrochée au téléphone à parler à son père ; parents obnubilés par l'avenir de leur enfant ; mère exclusive qui ne laisse pas respirer un fils qui pourtant ne cesse de donner des preuves de son attachement ; père qui ne supporte pas l'idée que l'amoureux de sa fille soit plus âgé que lui… 
Ils ressemblent à des gens qu'on croise tous les jours, avec chacun leurs histoires bancales, les liens qu'ils nouent et dénouent, leurs douleurs et leurs joies dont le souffle variable les fait vaciller tout le temps. Des gens bien dans l'air du temps, bien trempés dans notre époque. Ils ont comme une incapacité à penser le monde et les autres autrement qu'à partir d'eux-mêmes, des bornes qu'ils se donnent, de leurs obsessions. Le bonheur est à portée de main et ils passent à côté sans le voir, sans le reconnaître faute d'écoute, de perspicacité, perdus dans une demande d'amour perpétuellement insatisfaite parce qu'elle ignore le réel tout simple, qui ne demande qu'à être vu avec un poil de bienveillance. Ils pataugent dans leur vie et se rendent malheureux à force de ne pas accepter l'autre pour ce qu'il est et non pour ce qu'ils voudraient qu'il soit.
Le film excelle à capter le moment où les choses se grippent, où les tensions s'exacerbent, où la comédie vire au tragique. La solitude alors s'ajoute à la déception d'avoir perdu une affection irremplaçable après avoir, à force de surdité, de malentendus et de maladresses provoqué une situation de non retour. C'est drôle, c'est triste, c'est tendre, c'est touchant, c'est follement humain et ça rend un peu furieux car tout ces gens-là auraient pu être bien ensemble, ils avaient tout pour ça dans un monde qui a la chance de ne pas avoir faim ou froid et finalement ils n'ont que le malheur qu'ils s'inventent. Tous sont condamnés à regarder le temps qui passe et il leur en reste assez pour regretter longtemps les trains qu'ils n'ont pas su prendre, les bonheurs qu'ils n'ont pas su retenir.
Certains cependant tirent leur épingle du jeu et arrivent à faire bifurquer leur vie vers son côté lumineux : après le mal être et l'orage, il arrive aussi que l'espoir rebondisse. Parce que tous ont en réserve la possibilité de choisir la tolérance plutôt que l'incompréhension, l'acceptation plutôt que le rejet… C'est un film comme un bouquet de nouvelles, un film « mosaïque » où les situations se répondent, sans pour autant être liées, qui aboutit au bout du compte à la vision d'une société en mal de projets, en mal d'idéal, de repères qui donneraient un peu le goût et le sens de la relativité, une société qui tourne en rond sur elle-même.
Les comédiens sont superbes, on affectionne particulièrement Grégory Gadebois et Alice Isaaz, sa fille, mais tous jouent leur partition avec densité et donnent furieusement envie de se précipiter sur le bouquin de Richard Bausch dont le film n'emprunte qu'une partie des nouvelles.