Une saison en France

Abbas, professeur de français, a fui la guerre en Centrafrique pour bâtir une nouvelle vie en France. En attendant d’obtenir le statut de réfugié, le quotidien d’Abbas s’organise : ses enfants sont scolarisés et il travaille sur un marché où il a rencontré Carole, sensible au courage de cet homme encore hanté par les fantômes du passé. Mais si le droit d'asile lui était refusé, qu'adviendrait-t-il d'Abbas et de sa famille déracinée ? Et de Carole, privée du foyer qu’elle a cru reconstruire ?

Vos commentaires et critiques :

C'est le nouveau film, tourné en France, d'un des plus grands cinéastes africains actuels. Après avoir sublimé et exploré sans complaisance, dans plusieurs films mémorables(Daratt, saison sèche, Un homme qui crie, Grigris), la réalité et les fictions de son Tchad natal, Mahamat-Saleh Haroun, qui vit le plus souvent en France, a pensé qu'il fallait maintenant qu'il « questionne la mémoire de l'exil qui se fabrique ici, qu'il montre des visages qu'on ne voit pas souvent dans le cinéma dominant. » C'est ainsi qu'il consacre aujourd'hui ce beau film à ceux qui ont quitté l'Afrique pour échapper à la guerre ou au désespoir économique et qui tentent de trouver une place dans un pays qui se revendique de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, un pays qui sut être le refuge de bien des exilés…
C'est donc l'histoire d'Abbas, qui était professeur de français en Centrafrique et qui a fui avec sa famille la guerre civile dans son pays, un pays artificiellement créé, marqué par l'impérialisme français et ses fantoches (souvenons-nous du tristement fameux Bokassa). L'épouse d'Abbas est morte en chemin – son fantôme hante nombre de ses nuits –, le laissant père esseulé de deux jeunes enfants, l'exubérante Asma et le discret Yacine. Sur ces ruines, Abbas tente de reconstruire sa vie à Paris, travaillant sur un marché où il a rencontré Carole, une fleuriste qui s'est attachée à cet homme courageux et cultivé. Comme son titre l'indique, le film se déroule sur une saison, un hiver qui sépare peut être l'espoir des désillusions, le temps de l'interminable attente administrative, entre le dépôt d'une demande et la réponse de la commission nationale du droit d'asile.
Une saison en France montre parfaitement les réalités quotidiennes de ces exilés, leur vie toujours en suspens : les enfants tentent d'avoir une vie d'élèves français comme les autres tout en sachant qu'elle sera rythmée par les déménagements intempestifs ; Abbas et son ami Étienne – également demandeur d'asile, intellectuel comme lui, qui a trouvé refuge dans une cabane de fortune – attendent tous deux désespérément de savoir enfin s'ils vont être régularisés ou expulsés, dans l'incapacité de faire quelque projet que ce soit, dans l'impossibilité de seulement s'engager dans une histoire d'amour. Carole, de son côté, attend elle aussi dans l'angoisse que la situation de l'homme qu'elle aime s'éclaircisse, pour construire avec lui un éventuel avenir.
Il est ici essentiellement question de dignité, celle qu'on tente de préserver malgré les conditions matérielles difficiles, malgré les humiliations, malgré les tracasseries de l'administration et de la police. Avec en permanence les questions qui taraudent : et si la vie ici était impossible ? Et s'ils avaient fait le mauvais choix, malgré la guerre là bas ? Et si le bonheur était ailleurs ?
Quand on regarde les implacables statistiques qui placent la France dans les derniers rangs des pays occidentaux pour l'accueil des réfugiés, on se dit tristement qu'on a une partie de la réponse. Et le film de Mahamet-Saleh Haroun paraît décidément salutaire.