Le Mari de la femme à barbe

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Organisateur de spectacles forains, Antonio Focaccia découvre dans un hôpital Maria, une jeune femme recouverte de poils. Maria tombe amoureuse d’Antonio, qui l’épouse plus pour le profit qu’il peut en tirer que par amour. Il en fait rapidement son gagne-pain en l’exhibant dans les foires, la présentant comme «la femme-singe». D’abord ulcérée par cette situation, Maria finit par accepter ce métier dégradant. Elle connaît même le succès et devient l’attraction principale d’un cabaret parisien. Mais bientôt, Maria attend un heureux événement…

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Trois fins alternatives

La restauration du film, réalisée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata à Bologna et à Paris, est assurément la meilleure façon de rendre hommage à cet artiste hors du commun, à la fois provocateur et dérangeant. Face à cette œuvre insuffisamment diffusée, le spectateur peut éprouver et reconnaître une production cinématographique singulière, extravagante, voire aberrante, et par là-même profondément humaniste.
Cette restauration était d’autant plus nécessaire qu’elle dévoile les tribulations d’un film pour lequel il n’existe pas moins de trois fins, écrites et tournées.
En effet, la nouvelle version – présentée pour la première fois en France – propose trois fins alternatives, l’une à la suite de l’autre : l’une inquiétante, l’autre funeste et la dernière réconfortante. La première est celle voulue par le cinéaste et censurée par le producteur Carlo Ponti. Ce dernier, déconcerté par la noirceur du récit, impose à Ferreri de tourner une nouvelle fin (la deuxième dans l’ordre de vision) qui sera diffusée uniquement dans les salles italiennes. Cette version présente le montage d’origine coupé de sa dernière séquence. C’est en revanche une toute autre conclusion que connaît la copie française (la dernière), présentée au Festival de Cannes en 1964, Ponti obligeant Ferreri à imaginer cette fois un happy end.
Trois fins donc, mais si l’on en revient à l’histoire, que voyons-nous ? Un homme (Ugo Tognazzi), bien peu scrupuleux, décide d’exploiter une jeune femme (Annie Girardot) dont le corps est entièrement poilu. Il la convainc de quitter l’hospice dans lequel elle était cachée et de se montrer dans des spectacles forains en tant que seul exemplaire vivant de femme-singe. La fiction, imaginée par Ferreri et son collaborateur Rafael Azcona après la lecture de l’histoire de Julia Pastrana, une femme à barbe exhibée à travers le monde durant la seconde moitié du XIXème siècle, n’est qu’un prétexte pour raconter l’histoire d’une solitude et, plus largement, celle de l’homme parmi ses « semblables ». Plus que de la cruauté qui se manifeste différemment dans chacune des trois versions, le regard de Ferreri sur la réalité relève d’un profond nihilisme ou d’une forme de lucidité qui fait de lui un critique implacable des mœurs dites civilisées.
En tournant le film entre Naples et Paris, le cinéaste documente en effet la décadence progressive de la civilisation occidentale, victime d’obsessions ridicules et encourageant un individualisme absurde et forcené. Ainsi, un film consacré à une « bête » s’avère-t-il bien davantage un miroir tendu à une humanité parfois monstrueuse.