Frères ennemis TP

Manuel et Driss ont grandi comme deux frères inséparables dans la même cité. Mais aujourd’hui tout les oppose. Manuel est à la tête d’un trafic de drogue, alors que Driss est devenu flic. Quand celui-ci est promu aux Stups, son retour bouleverse les équilibres et met Manuel en danger.

Vos commentaires et critiques :

Flic ou voyou, le titre d’un antique film de Belmondo, pourrait convenir pour ce troisième long métrage, très contemporain, de David Oelhoffen, après Loin des hommes (2014). Reda Kateb, le policier issu de la cité, et Matthias Schoenaerts, le dealer chevronné, ont grandi ensemble. Ils savent tout l’un de l’autre, auraient pu échanger leurs destins. Le film raconte leurs retrouvailles décisives, au moment où le caïd trébuche dangereusement. Et où le flic s’interroge sur son identité : au cours d’une arrestation, pris à partie par les prévenus en arabe, il nie parler cette langue, tandis que son visage et son corps laissent deviner sa confusion.
L’attrait du film tient beaucoup à la place que prend le portrait intimiste des deux hommes entre les scènes d’action. Le cinéaste abolit sans cesse la frontière entre les ingrédients du polar et une dimension plus existentielle — le mal-être et la peur des personnages, leur inscription dans leur environnement quotidien. Le trafiquant, éclaboussé par le sang de ses comparses, traqué, redevient un gosse, presque l’enfant de son ancienne compagne, chez qui il se réfugie — ces scènes racontent aussi, sobrement, un rêve passé d’embourgeoisement. Le flic s’est laissé cantonner par sa hiérarchie à son rôle de spécialiste de la cité et des stupéfiants, aux méthodes limites : ses origines sociales, sa connaissance du terrain l’ont servi puis piégé.
Sur le désarroi actuel de la police dans les quartiers, sur le sentiment de déshérence des cités, Frères ennemis réussit des variations habitées, où Reda Kateb impressionne à nouveau, et Matthias Schoenaerts retrouve l’intensité qu’il avait, entre autres, dans De rouille et d’os. Leur duel final singularise encore le film, abrité par les murs d’un modeste appartement de banlieue, où se rejouent les tourments de l’adolescence et la violence du déterminisme social.

Louis Guichard