Les Promesses

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Maire d’une ville du 93, Clémence livre avec Yazid, son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, une cité minée par l’insalubrité et les « marchands de sommeil ». Ce sera son dernier combat, avant de passer la main à la prochaine élection. Mais quand Clémence est approchée pour devenir ministre, son ambition remet en cause tous ses plans. Clémence peut-elle abandonner sa ville, ses proches, et renoncer à ses promesses ?

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Les promesses du titre ne sont pas de celles que l’on se fait amoureusement dans le creux de l'oreille. Que nenni ! Thomas Kruithof et son co-scénariste Jean-Baptiste Delafon (un des auteurs de la série Baron noir) s’intéressent au dessous des cartes, aux zones nébuleuses inexplorées, aux rapport des individus avec le « système ». Les promesses dont il est question, purement électorales, sont probablement plus faites pour être trahies que pour être respectées. Ne pas les tenir, est-ce déjà une forme de mensonge à la population ? Sujet d’autant plus brûlant avec les présidentielles qui nous pendent au nez.
« Je ne suis pas là pour vous dire qu’on va se battre, je suis là pour vous dire qu’on va gagner ! » Tels sont les propos de Clémence (Isabelle Huppert) au cours d’une réunion publique avec les habitants copropriétaires de la cité des Bernardins, incapables d’assumer la charge de gros travaux collectifs nécessaires pour qu’elle reste habitable. Réhabiliter ces lieux devenus insalubres, les mettre aux normes, tel est le rêve de la mairesse, une ambition à 63 millions d’euros : pas une somme que l’on trouve dans les caisses d’une petite commune où la population en voie de paupérisation n’est même plus assujettie aux impôts locaux. Voilà douze années que Clémence se bat avec ferveur pour redonner aux 3000 personnes concernées un logement décent, un peu de bien-être et de dignité. Si la ville de la Seine Saint Denis n’est pas expressément nommée, on se doute qu’elles sont des myriades à avoir ce genre de barres d’immeubles qui se dégradent et se desquament, servant progressivement de repaires aux petits dealers et aux marchands de sommeil. Le scénario, très précis et renseigné, est le fruit de longues et méticuleuses enquêtes, un condensé d’une réalité de terrain. Même si toute l’équipe municipale est tendue vers le but fixé par l’élue, son Directeur de Cabinet en tête (excellent Reda Kateb), rien n’est jamais gagné et progressivement l’intrigue monte en tension. On sent le poids qui s’accumule sur les épaules des personnages, à la fois très entourés et très seuls dans leur impossibilité de partager leurs doutes, leurs failles, ce qui reviendrait à tendre le flanc à l’ennemi. Dans l’exercice du pouvoir, ses rapports de force permanents, il n’y a pas de place pour les états d’âme personnels, pas de place pour les hésitations. Tout va vite, très vite, et tous agissent un peu comme s’ils avaient un don d’ubiquité, que nul pourtant ne possède. Et alors que Clémence était bien décidée à rendre son tablier et avait même préparé sa succession, tout va basculer et faire vaciller ses convictions le jour où le gouvernement va lui proposer d’être ministre… Est-ce une fonction qui se refuse ? « Il n’y a pas de plus beau mandat que celui de maire » disait-elle pourtant, un des rares positionnements sur l’échiquier législatif qui reste à taille humaine, en contact direct avec les citoyens, leurs préoccupations, assurant la jonction entre le niveau local et l’État.
Le récit, mené sur un rythme enlevé, nous propulse au cœur de l’action politique de terrain, rarement représentée à l’écran, plus encore que dans les arcanes du pouvoir. Et par ces temps de délitement de la confiance des citoyens envers ceux qui les représentent, c’est fichtrement passionnant.