Memories of Murder TP

En 1986, dans la province de Gyunggi, le corps d'une jeune femme violée puis assassinée est retrouvé dans la campagne. Deux mois plus tard, d'autres crimes similaires ont lieu. Dans un pays qui n'a jamais connu de telles atrocités, la rumeur d'actes commis par un serial killer grandit de jour en jour.Une unité spéciale de la police est ainsi créée dans la région afin de trouver rapidement le coupable. Elle est placée sous les ordres d'un policier local et d'un détective spécialement envoyé de Séoul à sa demande. Devant l'absence de preuves concrètes, les deux hommes sombrent peu à peu dans le doute...

Vos commentaires et critiques :

Pas de doute, dans le domaine du cinéma de genre qui fut jadis la chasse gardée du cinéma américain, les Coréens sont devenus des maîtres et battent à plate-couture leurs concurrents yankees. Que tous ceux qui sont définitivement découragés par les énièmes avatars poussifs des serial killers et autres super flics hollywoodiens viennent jeter un œil à ce Memories of Murder : ils seront sidérés par l’énergie, par le souffle, par l’audace, par la liberté d’un film qui saisit, qui captive, qui surprend, qui fait confiance à l’intelligence, et même à l’intuition de ses spectateurs. Le film est évidemment noir, il peint avec une rage explosive, qui va parfois jusqu'à la farce grotesque, la violence et les côtés obscurs de l’âme humaine, il touche du doigt l’effroi et le désespoir, il explore les territoires de la douleur, de la haine et de l’impuissance, mais il en émane pourtant une clarté étrange, un sentiment de foi absolue en l’humanité, une croyance malgré tout en un possible apaisement, une sorte de poésie dévastée. Grand film, décidément…
Entre 1986 et 1991, dans une petite ville près de Séoul et dans un rayon de seulement deux kilomètres, un tueur en série viole et assassine dix femmes. La plus âgée est une grand-mère de 71 ans, la plus jeune une écolière de 13 ans. Seuls point communs : toutes les victimes portent du rouge et les crimes ont toujours lieu un jour de pluie.
C’est la police locale qui est chargé de l’enquête et, privée de moyens, inexpérimentée dans ce genre d’affaires, ignorante des techniques modernes de recherche et de profilage, elle est vite dépassée par les événements. Entre le détective Park, persuadé de pouvoir deviner la vérité rien qu’en scrutant les suspects au fond des yeux, et son collègue Cho, adepte du coup de talon comme méthode imparable d’interrogatoire, les recherches s’égarent sur de multiples fausses pistes…
Fabrication de preuves, bavures, aveux forcés, recours au chamanisme, tous les moyens sont bons pour arrêter un coupable. Le détective Park n’hésite d’ailleurs pas à changer son bureau de place afin de favoriser les ondes positives.
L’arrivée de Seo, jeune policier ambitieux de Séoul, rompu à des méthodes d’investigation plus scientifiques, devrait apporter une aide salutaire, mais elle est ressentie comme une intrusion par ses collègues, qui se méfient du flic de la grande ville, taciturne et hautain.
La police s’enfonce donc dans une logique absurde, et le sanglant parcours du meurtrier continue…
Le scénario du film est inspiré d’un fait divers réel, qui frappa durablement l’opinion coréenne (Memories of Murder a d’ailleurs remporté un énorme succès en Corée). Le réalisateur Bong Joon-ho en donne une vision à la fois hyper-réaliste et complètement décalée, jouant à fond sur l’opposition entre le poids du drame qui se joue et le comportement erratique des humains. Les policiers en particulier, accablés par l’horreur, épouvantés par l’importance de leur mission, s’agitent souvent en pure perte, pantins dérisoires d’une tragédie qui les dépasse. On peut penser à Shakespeare : « une histoire pleine de bruit et de fureur, contée par un idiot et qui ne veut rien dire ». Du fait divers, le film tire sa sécheresse, sa franchise brutale, son refus des rebondissements faciles et des dénouements trop bien ficelés. De la tradition Shakespearienne, il hérite la richesse du récit, la profondeur des enjeux, la complexité des passions humaines et les frayeurs qu’il fait résonner en nous.