Back Home -12

La préparation d'une exposition consacrée à la célèbre photographe Isabelle Reed, trois ans après sa mort inattendue, amène son mari et ses deux fils à se réunir dans la maison familiale. Refait alors surface un secret qui plonge leurs vies apparemment calmes dans le chaos.

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Initialement intitulé PLUS FORT QUE LES BOMBES lors de sa présentation à Cannes mais que les attentats de Paris ont décidé le distributeur à changer le titre en BACK HOME, le film se révèle être un des plus attendus de l'annéeSi Joachim Trier nous avait intrigué avec son premier film Nouvelle donne, il nous avait particulièrement ébloui avec le suivant, Oslo, 31 Août, adaptation aussi lumineuse que crépusculaire du Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle, magnifique portrait d’un jeune homme rongé par la solitude et la culpabilité. Aucun doute que c’est la réussite de ce dernier qui a permis au réalisateur norvégien de faire appel pour son troisième film à un casting international de première classe : Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, le toujours remarquable Jesse Eisenberg, sans oublier un petit nouveau, Devin Druid, impressionnant pour sa première apparition à l’écran. Tournage américain donc – l’intrigue du film se déroule principalement à New-York – mais dans lequel le cinéaste continue de creuser les thèmes qui habitaient ses précédents opus : la solitude, l’incommunicabilité, le poids du passé et la puissance de l’écriture. 

Trois ans après sa mort accidentelle, une exposition est organisée en hommage à la célèbre photo-reporter de guerre Isabelle Reed. Son mari et ses deux enfants se retrouvent dans la maison familiale pour préparer cet événement. Les liens entre eux se sont distendus depuis la disparition de leur femme et mère. Jonah, l’aîné, revient dans le giron familial nimbé de sa réussite professionnelle (il est professeur d’université) et de sa récente paternité. Il pense sans doute pouvoir prendre les choses en main aussi rapidement que sûrement, et organiser au mieux cette exposition. Mais ces préparatifs s’avèrent bien plus compliqué que prévu, l’obligeant à se replonger dans les vestiges d’un passé qui réveille en lui les souvenirs de sa mère et de leur relation, et éveille des doutes sur les circonstances de sa mort. Face à lui, son père Gene tente de donner le change mais semble plus préoccupé par son fils cadet Conrad, qui s’est enfermé dans le mutisme et les jeux vidéos violents. L’organisation de l’expo-hommage va obliger ces trois personnages, qui ont laissé le silence et les non-dits s’installer entre eux, qui s’épient en cachette pour essayer de se comprendre, à se confronter de nouveau au deuil et aux blessures que la mort d’Isabelle a occasionnés, pour pouvoir enfin se réconcilier, se réconforter et affronter la vérité sur cette disparition.

Pour décrire l’évolution de ses personnages, pour exprimer leur trouble et la confusion de leurs sentiments, Joachim Trier choisit une mise en scène en forme de puzzle, la narration se construisant de subtils allers-retours entre différentes époques et différents points de vue, tout en mélangeant différentes strates d’images : images réelles ou fantasmées, photographies d’Isabelle ou parties de jeux vidéos de Conrad (dans lequel son père essaie de le retrouver), souvenirs, rêves et projections mentales des divers personnages… « En somme, ce que je veux, c’est émouvoir le public en espérant avoir trouvé une forme où l’intellect et l’émotion se rejoignent dans un même film » dit le cinéaste norvégien. Et, en effet, la construction de son film épouse parfaitement le propos qu’elle entend servir. D’abord distanciée et d’une élégante froideur, la réalisation de Joachim Trier laisse peu à peu, à l’instar des ses personnages, s’exprimer les émotions, atteignant par moments la grâce de son film précédent, comme dans cette scène prodigieuse où les écrits de Conrad, découverts par son frère, prennent vie sous nos yeux…