Mjólk, la guerre du lait

Inga et son mari possèdent une exploitation laitière dans un petit village près de Reykjavik. Mais à la mort de ce dernier, Inga reprend seule les rênes de l’entreprise familiale. Très vite elle découvre le monopole abusif que la coopérative impose aux agriculteurs locaux. Elle va alors entrer en guerre contre ce système mafieux pour imposer l’indépendance de sa communauté !

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Elle a une drôle de bouille, Inga, elle n’a pas la beauté facile, pas le genre starlette. Non, elle fait plutôt penser – tant par le physique que par le sacré caractère – à la Frances McDormand du formidable Three billboards, même si sa fronde démarre de façon très différente. Inga, qui n’avait pas la réputation d’être soupe au lait, va se révéler, quand il va déborder, une véritable furie, méthodique et inflexible. Elle semblait pourtant soumise, de la trempe à tout encaisser, mais pas l’injustice. Une fois la machinerie de guerre enclenchée, ce sera un véritable rouleau compresseur. Avec ses moments drôles et tragiques, jouissifs.
Les rêves de de Reynir et Inga semblaient réalisables, dans leur magnifique Islande natale. Se construire une belle existence en amoureux, bien élever leurs enfants, vivre de leur élevage (de vaches laitières, pas d’enfants), comme sans doute leurs parents avant eux, avec ce petit plus de confort qu’est censée apporter la technologie moderne. Avec l’assurance aussi de pouvoir compter sur un système coopératif agricole sécurisant. Peut-être même, va savoir, la possibilité de prendre parfois quelques jours de repos, autant dire l’Eldorado ! 
Bien des années plus tard, Reynir et Inga n’ont toujours pas vu la première seconde d’un jour de vacances, ni pu se poser un instant. Les enfants grandis sont partis à la ville. Les technologies nouvelles se sont succédé, toujours plus énergivores, toujours plus coûteuses, poussant chaque fermier à investir perpétuellement, à se surendetter interminablement. Seuls face à un prédateur plus dangereux que celui des contes de notre enfance : un capitalisme vorace qui ne laisse pas la moindre miette à ceux qui pourtant l’alimentent. Chacun prend de plein fouet la concurrence, devenant toujours moins confiant en l’avenir, plus méfiant envers ses semblables. 
La ferme de nos ex-tourtereaux, désormais largement quarantenaires, étant présentement au bord de la faillite, Inga baisserait volontiers les bras, mais Reynir semble bien reparti pour un tour, prêt à aller quémander un peu plus de soutien à leur syndicat. Il n’en reviendra pas… Un virage fatal ? Mais non, c’était une ligne droite… Plus l’enquête progresse sur la sortie de route malheureuse, plus il apparaît qu’elle était probablement volontaire…
Tandis que les vautours, les financiers, commencent à rôder autour de la ferme, sans même attendre que son deuil soit consommé, Inga fulmine d’abord contre celui qui l’a abandonnée, mais elle ne se trompera pas longtemps d’ennemis. Alors qu’ils la pensaient prête à tout lâcher, les apparatchiks du syndicat, plus dodus que des poulets engraissés aux hormones, vont faire les frais de son regain de combativité. Eux n’ont pas l’air de crouler sous les dettes dans leurs gros quatre-quatre imposants. Et c’est contre tout un système qu’Inga va partir en croisade, avec ses pauvres moyens, s’enhardissant à prendre la parole pour dénoncer cette « mafia ». D’abord seule, puis progressivement suivie par quelques-uns, fragiles, mais faisant progressivement boule de neige.
Longtemps, on a peu vu les paysans à l’écran, ou alors en arrière plan. Désormais, ils font surface comme une vague universelle qui nous vient des quatre coins de l’horizon (guettez Au nom de la terre, qui sort fin septembre). C’est que partout dans le monde on s’émeut, on s’intéresse, on s’indigne de leur sort, bien conscients qu’il est lié au nôtre. Grímur Hákonarson, qui est un fils de la terre, le fait avec ce fameux humour islandais décapant et décalé qui était déjà l’un des charmes de son film précédent, le magnifiqueBéliers, et qu’on a vu à l’œuvre dans pas mal d’autres films, dont le très réjouissantWoman at war de Benedikt Erlingsson. Une femme en guerre : Inga mérite aussi ce titre honorifique !