Madre

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Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de six ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant du bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…

Vos commentaires et critiques :

Sait-on jamais vraiment pourquoi l’on aime, dans quel recoin de notre histoire naissent nos désirs, nos attirances… D’où vient cette force qui nous pousse vers l’autre, quelle histoire passée peut suffire à expliquer la naissance d’un sentiment ? Ici, les circonstances même de la rencontre pourraient suggérer une interprétation… mais plus on pénètre dans le film et dans la relation subtile qui se noue entre Isabel et Jean et plus il est évident que les choses sont plus complexes qu’elles pourraient le paraître à un regard impatient… Le talent de Rodrigo Sorogoyen est de nous entraîner bien au-delà de l’anecdote vers l’étrange mystère des sentiments humains : il y a ce qui les déclenche, ce qui les nourrit et comment ils rebondissent sur la vie des autres, les proches surtout, qui ne sont pas toujours les mieux placés pour comprendre…
Isabel a perdu son fils quand il avait six ans… disparu sur une plage où il s’était égaré, incapable de retrouver son père, malgré le téléphone portable par lequel elle tentait de le guider, essayant en vain de le localiser, jusqu’à ce que la communication soit coupée… Que s’est-il passé sur cette plage ? Le temps a passé mais peut-être ne désespère-t-elle pas tout à fait de le retrouver un jour. Alors, elle s’est installée là où les traces du gamin se perdaient dans le sable, et travaille dans un bistrot près de la plage où maintenant d’autres gamins se bousculent… cohabitant depuis avec une douleur qui s’estompe au fil du temps et lui donne désormais une distance aux choses et aux événements doucement mélancolique…
Dix ans ont passé… dix ans comme une longue remontée vers une vie moins sombre, vers le moment où elle parvien- dra à s’arracher de ce coin lumineux du sud de la France qui est le lieu du dernier passage de son fils : peu à peu, son nouvel amoureux, Joseba, la tire vers un ailleurs où il est possible de vivre heureux à nouveau, vers son pays d’origine, l’Espagne… Il connaît ses blessures et l’aime assez pour lui laisser le temps dont elle a besoin…
Quand elle croise Jean, le visage de l’adolescent, son regard lumineux, ses cheveux blonds accrochent son regard. Le gamin insiste, vient traîner du côté du bar, la regarde longtemps, à la fois timide et fasciné, la cherche, l’attend… C’est au-delà des mots, mais de part et d’autre l’attirance s’impose comme une évidence : plaisir de parler ensemble en marchant sur le sable, de rester juste là à côté l’un de l’autre… Est-ce parce qu’il a l’âge qu’aurait son fils et qu’il pourrait lui ressembler ? Ou est-elle simplement troublée par le regard chavirant de tendresse d’un adolescent amoureux et si beau ? Pourquoi, plutôt que les frimousses des copines qui l’entourent, le visage de cette femme mélancolique accroche le regard de Jean… peu importe après tout : c’est une histoire d’amour qui débute, inéluctable et douce malgré les interdits d’une société qui ne cesse d’interpréter, de juger, d’imposer ses normes… Les parents, qui étaient là pour passer des vacances tranquilles avec un fils aimé qu’ils n’ont pas vu grandir, ne comprennent pas. L’attirance de leur fils pour une femme mûre leur semble dangereuse et contre nature, ils ont tôt fait de penser qu’elle est folle…