Les Estivants TP

Une grande et belle propriété sur la Côte d’Azur. Un endroit qui semble hors du temps et protégé du monde. Anna arrive avec sa fille pour quelques jours de vacances. Au milieu de sa famille, de leurs amis, et des employés, Anna doit gérer sa rupture toute fraîche et l’écriture de son prochain film.
Derrière les rires, les colères, les secrets, naissent des rapports de dominations, des peurs et des désirs. Chacun se bouche les oreilles aux bruits du monde et doit se débrouiller avec le mystère de sa propre existence.

Vos commentaires et critiques :

Il y aurait presque de la rumba dans l’air, si ce dernier n’était pas si pesant cet été-là. Dans la grandiloquente maison de maître qui surplombe la côte d’Azur, sous le soleil exactement, quelque chose semble soudain moins futile, plus pesant. Pourtant ce sont les mêmes membres de la même famille très élargie qui se retrouvent-là comme chaque année. Rituel tout aussi rassurant qu’un brin angoissant, qui fige le temps aussi bien que les rides. Les voilà tous pris au piège de la cage dorée des souvenirs. Mais si, cette fois, rien n’a la même saveur pour Anna (Valeria Bruni Tedeschi qui déploie une panoplie d’actrice hallucinante), c’est que l’amour de sa vie est en train d’hésiter, de vouloir la quitter, ou peut-être même l’a-t-il déjà fait sans qu’elle veuille le comprendre. Le ciel soudain semble d’un bleu indécent : nul orage, pas la plus petite goutte de pluie en vue qui puisse témoigner au monde entier de l’état de son cœur qui se brise. Pire, tous gravitent autour d’elle, avec leurs pompes trop bien cirés pour être honnêtes, sans se rendre compte, sans se douter un seul instant que son couple s’effondre, retournant le couteau dans la plaie : quand arrive-t-il, ton homme ? Luca… Luca qu’elle espère, mais qui sans doute ne viendra pas, même pour faire bonne figure, sauver les apparences.
Tous ? Dans la famille d’Anna, je demande… la grand-mère ! C’est celle qui maintient le standing de la propriété, elle plane parfois, sauf quand il s’agit de dépenser un centime ! C’est peut-être ainsi que l’on devient riche ? Après elle les domestiques courent, dont Yolande Moreau (haletante, éreintée, mais si belle !) quémandant leur dû, une petite amélioration de leur condition, peut-être ? Mais Louisa est passée maîtresse dans l’art de s’esquiver et de culpabiliser son monde. 
Dans la famille d’Anna, je demande… La sœur ! Ah celle-là ! Avec elle tout semble écervelé, échevelé, ébouriffé : la tendresse, les rires, les chants. Toujours excessive, débordante : de joie, de larmes bien arrosées. Son rimmel et ses provocations peinent à dissimuler son mal être profond. Elle surnage à grand peine dans un mariage mal assorti, qui résiste au temps plus par raison que par passion. 
Et puis tiens, voilà donc le fameux beau-frère… Jean (Pierre Arditi). Cabotin sans scrupule, provocateur hautain, écrasant de sa superbe tous ceux qui ne sont pas de son clan, de son rang, de son bord politique. Gratuitement odieux pour le plaisir d’humilier ceux des classes inférieures. Un mâle dominant sur le retour qui écrase le pauvre monde sous la talonnette de son ironie méprisante. 
Dans ce jeu des 7 familles (j’en passe et des meilleurs…) il y en a une tout de même qui dépare, un élément rapporté : c’est Nathalie (Noémie Lvovsky, toujours généreuse et sincère). Venue-là pour aider Anna a écrire le scénario de son prochain film, elle navigue entre deux eaux. Ne faisant ni partie des domestiques, ni de cette haute bourgeoisie mal odorante. Nathalie aime tellement Anna qu’elle accepte ses excès, comprend ses failles, l’attend, poireaute, puis désespère et étouffe de plus en plus en assistant aux agitations de ce beau monde tourné vers son seul nombril.
Au milieu de cette nef des fous navigue Celia, la fille adoptive d’Anna. La seule « sage » de l’affaire, qui du haut de ses dix ans observe ce monde avec un regard plus adulte que ceux qui sont censés l’être. Petite touche de fraîcheur détachée, porteuse d’espoir, pour qui la barrière des classes sociales ne semble pas encore exister. 
Et puis enfin il y a le frère absent dont l’ombre plane…
Comme souvent dans les films de la réalisatrice, on passe d’un rire à gorge déployée à un autre qui se fait plus grinçant. Et de se demander si la critique sociale cinglante est totalement voulue et maîtrisée ou si elle échappe à celle qui semble toujours hésiter entre deux clans.