Cas de conscience -12

Un soir, seul au volant, le docteur Nariman tente d’éviter un chauffard et renverse une famille en scooter. Il les dédommage pour les dégâts matériels et insiste pour qu’Amir, leur enfant de 8 ans légèrement blessé, soit conduit à l’hôpital. Deux jours plus tard, à l’institut médico-légal où il travaille, Nariman s’étonne de revoir la famille, venue veiller le corps sans vie d’Amir. Le rapport d’autopsie conclut à une intoxication alimentaire. Mais Nariman a du mal à accepter cette version officielle qui pourtant l’innocente.

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Lorsqu'on apprend à le connaître, film après film, réalisateur après réalisateur, il est toujours étonnant de constater à quel point, dans ce pays que l'on présente comme fermé, frappé par la censure, gangréné par l'obscurantisme religieux, le cinéma iranien est riche et passionnant (on en a eu une nouvelle preuve tout récemment avec le magnifique Un homme intègre). On se dit même que c'est peut-être le cinéma au monde qui produit les plus grandes œuvres morales, voire métaphysiques et par là même universelles, affrontant des questions auxquelles chaque être humain est confronté tôt ou tard, où qu'il vive sur le globe. Dans Cas de conscience, du nouveau venu Vahid Jalilvand, il est question de responsabilité, de culpabilité, de courage face à un fait grave, un accident apparemment bénin qui tourne au drame.
Le docteur Ariman est un médecin hospitalier respecté. Un soir, il rentre tard chez lui en voiture quand, serré de trop près par un conducteur sans gêne, il fait un écart et renverse un scooter transportant toute une famille, un couple et ses deux enfants. Tout le monde semble indemne, même si le jeune Amir, 8 ans, se plaint d'une légère commotion à la tête. Le médecin se propose de l'amener à l'hôpital dans sa voiture mais le père refuse. Il semble pressé, fermé, peu enclin à quelque formalité que ce soit. Après maintes tergiversations, il accepte un petit dédommagement en espèces, promettant de faire lui-même un crochet jusqu'à l'hôpital tout proche par sécurité. Mais le Docteur Ariman voit le scooter passer devant la clinique sans s'arrêter…
Deux jours après, en prenant son service à l'institut médico-légal, le docteur aperçoit la famille dans la salle d'attente, sans Amir. Il apprend que l'enfant est décédé dans la nuit. Ariman ne se montre pas, ne va pas voir les parents, ne prend pas le risque de raconter l'accident à ses collègues, pas même à l'expérimentée et compréhensive Sayeh, dont il est très proche : c'est elle qui va procéder à l'autopsie. L'examen révèle que la cause du décès est une intoxication alimentaire provoquée par de la viande de poulet avariée que le père désargenté avait achetée à un employé ripou d'un abattoir. Mais Ariman ne parvient pas à se satisfaire de ce diagnostic qui pourtant le dédouane : et si sa collègue, abusée par les symptômes dominants de l'intoxication, n'avait pas cherché suffisamment pour pouvoir déceler une lésion cervicale qui aurait précipité la mort du garçon ? Le doute et la culpabilité vont ronger le médecin, d'autant que le malheureux père est du coup tenu responsable par sa femme du décès de leur fils et qu'un engrenage terrible va se refermer sur lui.
Dramaturgie haletante, interprétation remarquable, Cas de conscience est un thriller moral ancré dans un contexte social très réaliste : la misère de la famille du malheureux enfant est décrite sans fard, de même que le système D qui règne en maître et qui nourrit la corruption. On notera le rôle essentiel des femmes : ce sont la collègue du docteur et la mère de l'enfant qui réveillent l'âme et le courage des hommes. Et surtout le réalisateur montre à quel point on se grandit à la confrontation des autres, y compris ceux que l'on aurait tendance à sous-estimer. Le docteur Ariman, face à sa lâcheté et ses remords, retrouve un sens à la vie en soutenant celui à qui il craint d'avoir volé le fils, et le face à face entre les deux personnages est bouleversant.