La Prière

Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière. Il va y découvrir l'amitié, la règle, le travail, l’amour et la foi…

Vos commentaires et critiques :

C'est un endroit magique où l'air est pur, l'espace si profond qu'on n'en perçoit pas les limites : le regard se perd vers des sommets enneigés qui se fondent avec l'horizon. On devine qu'il est rude de vivre là, mais l'esprit et les sens semblent se dilater au contact d'une immensité qui modifie la perception qu'on a des autres, de soi-même et laisse un goût d'éternité.
Vit là une petite communauté, créée il y a déjà longtemps par une religieuse hors normes, pour permettre à des âmes perdues de raccrocher avec l'humanité en trouvant refuge, réconfort et l'énergie nécessaire pour sortir de leur dépendance à toutes sortes de substances. Ceux qui viennent là on fait le choix de s'extraire de l'agitation, des sollicitations multiples de la ville. Ils ont le corps meurtri, l'esprit en capilotade, au bord de l'asphyxie. Pour eux c'est souvent la dernière chance de renouer avec l'espoir d'un avenir possible. Ici, on ne condamne pas, on ne juge pas, on ne vous fait pas la morale, on vous accepte sans vous demander d'où vous sortez mais sans vous faire de câlins non plus : ils en ont bavé des ronds de chapeau, tous ceux qui composent cette communauté où isolement ne signifie pas solitude, où la pitié n'a pas de place mais ou la solidarité ne faiblit jamais.
Ils viennent de tous horizons, de tous milieux. Fils de bourgeois ou « fils de rien », ils sont croyants, athées ou agnostiques, mais tous sont à la même enseigne, pour tous les règles sont les mêmes, elles sont strictes, reposent sur trois socles solides : le travail, la prière et l'amitié. Pour commencer, le sevrage sera brutal, total, sans concession : pas la moindre cigarette, le moindre verre, le moindre écart. Un plus ancien, qui est passé par là, vous sert d'ange gardien dans les moments insupportables, vous suit partout, prompt à appeler l'ensemble de la communauté à la rescousse pour faire front en cas de passage risqué. On parle, on prie, on rit, on crapahute vers les sommets, on entraîne son corps à l'effort répété… et on apprend à se regarder sans se mépriser ou se haïr.
Si Thomas déboule un beau soir, c'est qu'il a été ramassé dans la rue, alors qu'il était au bord du néant, par un prêtre qui passait par là et l'a convaincu de jouer sa dernière carte en rejoignant le petit groupe. Quand le film commence, son regard est lourd de détresse et d'emblée accroche celui du spectateur. La prière, la foi, la vie avec d'autres : cet univers lui est totalement étranger. Avant… il se serait moqué sans doute. Dans cet endroit paumé il devra couper tout contact avec le monde : ni musique, ni télé, ni internet, ni journaux, ni oisiveté. L'esprit est occupé en permanence pour ne pas penser à la drogue, pour échapper à ce manque vertigineux qui l'aspire vers son abîme intérieur. Tous bossent dur, chantent beaucoup, prient souvent, parlent à tour de rôle, se réjouissent du moindre progrès et s'il est beaucoup question des forces de l'esprit, de la foi et de Dieu, rien n'est imposé à personne : les chants dans la chapelle, les longues marches dans le brouillard… Thomas sort peu à peu de son isolement mental, commence à se soucier de ses compagnons, acquiert le réflexe de leur tendre la patte à son tour, doute parfois. Mais, quand lui prend l'envie de fuir, il rencontre Sybille dans le village voisin. Éclatante de santé, elle a des yeux magnifiques et si elle ne fait pas partie de la communauté, elle comprend, capable de trouver les mots pour convaincre Thomas d'aller au bout de ce cheminement douloureux qu'il a amorcé… vers quelque chose de moins sombre qui passe par un retour sur soi, une rencontre…
On pense à la chanson de Brel : « À l'église où j'allais, on l'appelait le Bon Dieu… l'amoureux l'appelle l'amour, le mendiant la charité, le soleil l'appelle le jour et le brave homme, la bonté »… La Prière « est un film qui passe de la conviction au doute, de la mort à l'amour… il ne répond pas à la question de la foi mais l'interroge » dit Cédric Kahn.