À ceux qui nous ont offensés

Les Cutler vivent comme des hors-la-loi depuis toujours dans une des plus riches campagnes anglaises, braconnant, cambriolant les résidences secondaires et narguant la police. Luttant pour faire perdurer leur mode de vie, Chad est tiraillé entre les principes archaïques de son père et la volonté de faire le nécessaire pour ses enfants. Mais la police, les traquant sans relâche, l’obligera peut-être à choisir entre sa culture et le bonheur des siens…

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Mange tes morts

Courses de voitures endiablées, cambriolages dans de majestueuses villas et doigts d’honneur à la police font partie du quotidien du clan Cutler. Hors-la-loi, les membres de cette famille atypique vivent dans une caravane, quelque part dans la province anglaise dans le comté de Gloucestershire. Chad, qui n’a jamais été à l’école pour suivre fidèlement le patriarche, entre toujours plus en conflit avec ce mode de vie libre, certes, mais sans perspectives. Même si femme et enfants sont à ses côtés, Chad aimerait leur offrir un avenir meilleur. Il planifie alors secrètement de quitter le clan… Mais son père ne le laissera pas si facilement s’échapper, comme la police, depuis longtemps à ses trousses.
La communauté des Travellers irlandais est rarement représentée à l’écran et quand elle l’est, on les peint comme des malfrats qui servent de méchants ou de personnages en marge dans un plus grand récit. Dans Trespass Against Us, ils sont au centre de l’histoire et ce sont eux qui racontent – à travers le scénario d’Alastair Siddons, riche en expressions idiomatiques et en accents régionaux marqués, ce qui donnent aux personnages texture et authenticité sans jamais les diaboliser, ni eux ni leur mode de vie.
Ce que Chad aimerait abandonner, ce n’est pas les traditions de son peuple nomade, mais la vie de criminel que son père et les autres membres de leur petite communauté souhaitent pour lui – d’ailleurs, sa femme Kelly (Lyndsey Marshal) dit bien qu’elle ne lui demande pas non plus d’installer leur famille dans une vraie maison. Il aimerait bien acquérir une parcelle, avec le gentil Noah (Alan Williams), mais avant cela, il doit mettre de l’ordre dans ses affaires. Le problème, pour Chad et Kelly, c’est que de nombreux facteurs s’opposent à leur projet : l’autorité du patriarche Colby est le plus évident, mais la société dans son entier leur met des bâtons dans les roues, à quoi il faut ajouter le tempérament de Chad, et d’autres obstacles encore. Tant est si bien que par moments, on doute même de l’intention de Chad de vraiment tout laisser derrière lui.
Fassbender rend parfaitement ce conflit intérieur – même sous une cagoule, il parvient à communiquer une foule d’émotions. Gleeson est également très en forme dans le rôle de Colby, qu’on sent constamment fulminant et dont on perçoit bien la fourberie manipulatrice comme la vision singulière qu’il a de ce qui définit le mode de vie des Travellers. C’est un régal de voir réunis à l’écran ces deux excellents comédiens au sommet de leur art.
On se régale aussi pendant les scènes de poursuite en voiture, mises en scène par Smith avec énergie et aplomb et bien complétées par le rythme battant de la musique des Chemical Brothers, avec lesquels le réalisateur travaille régulièrement. Ces scènes vont droit aux tripes, avec leurs angles subjectifs de derrière le pare-brise et leurs gros plans sur les roues lancées à toute vitesse. À chaque impulsion sur le levier et à chaque crissement de pneu, on comprend pourquoi Chad a tendance à retomber si facilement dans ses vieilles habitudes : parce que c’est une vie excitante, beaucoup plus que le monde auquel il voudrait s’intégrer, avec ses écoles primaires paroissiales, ses agents de police pétris de préjugés et ses centres commerciaux sinistres où manquent la liberté et la vitalité de sa vie auprès de son père et des autres voyous de sa bande.