Le Fils de Saul -12

Octobre 1944, Auschwitz-Birkenau.
Saul Ausländer est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d'assister les nazis dans leur plan d'extermination.
Il travaille dans l'un des crématoriums quand il découvre le cadavre d'un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils.
Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, il décide d'accomplir l'impossible : sauver le corps de l'enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture.
  • Titre original : Saul Fia (Son of Saul)
  • Fiche mise à jour le 07/03/2016
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Année de production : 2015
  • Réalisé par : László Nemes
  • Acteurs principaux : Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn
  • Date de sortie : 04 novembre 2015
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France : Ad Vitam
  • Distributeur international : Films Distribution
  • Durée : 107 minutes
  • Origine(s) : Hongrie
  • Genre(s) : Drame
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : 1.37 / 35 mm DCP
  • Format son : Dolby SRD
  • Visa d'exploitation : 143357
  • Indice Bdfci :
    67%
  • 3,7/5
    (1 216 votes)
    Allociné
    3

Vos commentaires et critiques :

Kapo

Impressionnant tour de force d'un réalisateur hongrois de 38 ans qui signe là son premier film, Le Fils de Saul nous plonge au cœur du chaos, nous place dans les pas de Saul Ausländer, un Juif hongrois interné en 1944 à Auschwitz et recruté immédiatement – de force évidemment – pour faire partie des Sonderkommandos (la déportation des Juifs hongrois fut une des plus tardives mais d'autant plus terrible : 400 000 disparurent en moins d'un an). Les Sonderkommandos, choisis par les SS parmi les déportés les plus jeunes, avaient pour terrible mission de réceptionner, souvent dès la descente du train, les malheureux, hommes, femmes, enfants qui ne se savaient pas encore condamnés. Mission de les rassurer, les inviter à se déshabiller à l'entrée de ce qu'ils croyaient être des douches, leur confiant même un petit crochet numéroté pour retrouver leurs effets… Les Sonderkommandos devaient ensuite nettoyer les lieux de l'horreur, sortir les corps enchevêtrés pour les conduire vers les fours crématoires. Une gigantesque usine de mort parfaitement huilée, terriblement productive qui, au faîte de son efficacité et alors même que l'Allemagne commençait à s'effondrer face aux Alliés, élimina ainsi une dizaine de milliers de déportés par jour.
Au cœur de cette inhumanité absolue, implacablement montrée dès la première séquence, un événement terrible va réveiller en Saul Ausländer sa dignité. Parmi les dizaines de cadavres qu'il s'apprête à charrier vers les fours, il découvre un enfant encore vivant. Pas de miracle, un garde va l'achever… mais Saul croit reconnaître en lui son fils. Son unique objectif va être désormais d'extraire le corps du garçon pour le sauver du four crématoire, lui donner une sépulture et un enterrement décents. Et il cherchera un rabbin qui dira le kaddish… Il intercepte donc le cadavre auprès d'un médecin légiste, lui aussi prisonnier, qui s'apprête à l'autopsier, puis s'engage une course contre la montre et la mort…
Dans le même temps se prépare une tentative d'évasion et de révolte de ses compagnons sonderkommando hongrois, que sa démarche obstinée risque de compromettre… Et toujours dans le même temps la machine d'extermination est grippée par l'afflux trop important de déportés, qui semble plonger le camp dans le chaos.
Le scénario est inspiré des témoignages des Sonderkommandos – rassemblés postérieurement dans un recueil, Des voix sous la cendre – qui avaient été cachés dans des bouteilles enfouies à proximité des fours crématoires et dont l'immense majorité des auteurs furent exécutés avant la libération des camps. László Nemes, qui fut l'assistant du grand Béla Tarr (Les Harmonies Weckmeister, Le Cheval de Turin), a pris ce matériau à bras le corps et le porte à l'écran à travers une mise en scène fiévreuse, chaotique, mais sans ostentation indécente, utilisant la pellicule 35 mm pour donner à ses images un côté brut, presque sale, refusant coûte que coûte que son film puisse être perçu comme esthétisant. Il montre l'horreur sans montrer la mort elle-même, la cantonnant dans un hors champ ou un flou qui suffisent à glacer le sang. Il oppose l'implacable efficacité de la machine nazie, nourrie par le renoncement de beaucoup, au courage obstiné et suicidaire d'un seul homme et redonne ce faisant une dignité à ces forçats au destin abominable, honnis de tous.