Dieu existe, son nom est Petrunya

À Štip, petite ville de Macédoine, tous les ans au mois de Janvier, le prêtre de la paroisse lance une croix de bois dans la rivière et des centaines d’hommes plongent pour l’attraper. Bonheur et prospérité sont assurés à celui qui y parvient. Ce jour-là, Petrunya se jette à l’eau sur un coup de tête et s’empare de la croix avant tout le monde. Ses concurrents sont furieux qu’une femme ait osé participer à ce rituel. La guerre est déclarée mais Petrunya tient bon : elle a gagné sa croix, elle ne la rendra pas.

Vos commentaires et critiques :

Ce film au titre énigmatique, presque un blasphème, nous plonge dans un état de grâce aussi vivifiant qu’un plongeon dans les eaux glacées des Balkans. Et pour une fois, nous ne commencerons pas par le commencement, mais par le clou de l’histoire qui vaut son pesant d’hosties, autant que son héroïne que vous découvrirez plus tard. 
Chaque année à Stip, bourgade macédonienne pas franchement folichonne, a lieu le même rituel ancestral : les habitants chastement vêtus de pied en cap suivent une procession religieuse effervescente. Chose étonnante, à la foule des dévots à la mise pudibonde, se mêle une nuée de jeunes mâles gambadant à demi-nus. Le prêtre orthodoxe en tête de cortège, exaspéré, peine à refréner les ardeurs de ces olibrius testostéronés jusqu'au bout des orteils. Arrivés au bord de l’eau, nos jeunes mâles piaffent d’impatience en invectivant le vénérable homme d’église ! Puis on comprend enfin qu’une croix va être lancée depuis le pont et que le moins frileux, le plus véloce (ou féroce ?), bref le premier des gars qui la rattrapera dans la rivière aura tous les honneurs durant une pleine année… Euh… C’est vraiment un truc écrit dans la bible, ça ? On a à peine le temps de se poser la question que le maître de cérémonie ouvre un large bec et laisse tomber sa croix. Plouf, ça saute dans tous les sens ! Eh ben ! Ils ne font pas rêver, ces gonzes prêts à s’étriper pour récupérer un morceau de bois ! Tiens ? Il ne flotte pas ? Tout est décidément étrange dans cette ex-Macédonie. Personne ne voit plus le crucifix qui a coulé à pic… Personne ? Sauf…
Sauf Petrunya, qui le repère et s’en empare ! À demie-nue ? Mais non, la donzelle ne mange pas de ce pain-là, elle est au contraire entortillée jusqu’à la garde dans une jolie robe prêtée par une amie. Il n’y avait rien de prémédité dans son geste, en passant par-là elle entendit le mot « bonheur » et puis sauta ! Parce que du bonheur, s’il y en a une qui en a besoin ici-bas… Alors elle brandit son trophée, radieuse, prête à partager son succès avec ses pairs… Mais non ! Un gars musculeux lui arrache la précieuse relique des mains. La foule, loin de la soutenir, se déchaîne contre elle : seul un homme a le droit d’attraper la Croix, c’est écrit dans la bible ou dans la loi… euh… laquelle déjà ?
Ce n’est pas dans l’eau glacée que notre héroïne a sauté mais dans un vide juridique du droit ecclésiastique et tout le pays va s’en mêler. C’est un fameux bordel. Et ça ne va pas en rester là… Parce que Petrunya, de manière tout à fait inattendue, ne va pas lâcher l’affaire… 
Pour que vous compreniez mieux, il faut vous dire qu’on a fait sa connaissance quelques scènes plus tôt. Petrunya dégage un charme têtu, pas forcément évident de prime abord mais qui va s’imposer progressivement à nous, tout comme son intelligence et sa finesse d’esprit. Mais tout cela a du mal à transparaître dans une société patriarcale qui semble constamment lui susurrer son inutilité de fille improductive. Jusque-là, elle n’avait que ses yeux pour pleurer, les sucreries pour se consoler, coincée entre un avenir tout bouché et une mère étouffante toujours prête à la castrer. On la croyait timorée, benête, coincée ? Petrunya va s’avérer être une pure géante ! Et ce film vivifiant et drôle va s’imposer comme un excellent antidote aux masculinistes de tous poils !