Il est des films... inoubliables

20/02/2012 à 18:29, Francette

Aujourd’hui, je vous propose un petit retour en arrière, en 1947 exactement, année de sortie d’un chef-d’œuvre du cinéma français : « Quai des orfèvres » de Henri-Georges Clouzot.

Tout comme « L’assassin habite au 21 », ce film est tiré d’un roman de Stanislas-André Steeman (Légitime défense), mais l’adaptation et les dialogues sont signés Clouzot (avec la collaboration de Jean Ferry) et cela se sent. C’est un policier, mais l’important est beaucoup moins l’enquête que les personnages, aussi bien secondaires que principaux. Clouzot nous montre ainsi le quotidien des artistes de music-hall (montreurs de chiens, illusionnistes, chanteurs de cabaret, humoristes…) dans le Paris de l’immédiat après-guerre.

C’est dans ce petit monde qu’évoluent trois des personnages principaux : Marguerite Chauffournier Martineau, alias Jenny Lamour, la chanteuse arriviste, égoïste et prête à tout (ou presque) pour obtenir un rôle, Maurice Martineau, son mari jaloux qui ne peut accepter qu’elle fréquente d’autres hommes, même pour son travail et Dora Monier, la photographe qui réalise les clichés des jeunes artistes (femmes principalement) qui permettront aux producteurs de revues de faire leur choix.

Le quatrième personnage est, bien sûr, le policier, l'inspecteur adjoint Antoine, dont la vie privée est tout aussi importante, sinon plus, que sa vie professionnelle : ancien adjudant de « la coloniale », rentré d’Afrique avec son petit garçon qu’il élève seul. On le suit dans son appartement modeste et mal chauffé, il s’inquiète de certains résultats scolaires de son fils et il l’aide à faire ses devoirs. C’est un homme honnête qui ne cherche pas les honneurs et qui fait son travail avec conscience. Avec lui, on va découvrir le Paris de 1947, la nuit et c’est une véritable leçon d’histoire.

Ce film bénéficie aussi d’une mise en scène époustouflante. Un exemple, parmi d’autres : la séquence de la chanson du film, « Avec son Tralala » qui commence dans les locaux de Léopardi, l’éditeur de musique, se poursuit durant les répétitions chez Jenny puis dans la salle du théâtre et se termine sur scène par la prestation de Jenny en public. Rien que cette scène vous donne envie de revoir le film.

Enfin, le film ne serait pas ce qu’il est sans ses acteurs : Suzy Delair en Jenny Lamour, lumineuse, à la fois égoïste et fragile, Bernard Blier dans le rôle du mari jaloux, excellent comme toujours, Simone Renant qui interprète Dora avec une finesse remarquable et Louis Jouvet qui donne vie à l’inspecteur Antoine.

On ne peut oublier une foule de comédiens dont les noms sont un florilège du cinéma français : Charles Dullin qui campe un producteur de revue libidineux (la victime), Pierre Larquey en chauffeur de taxi moraliste, Jeanne Fusier-Gir, la traditionnelle dame du vestiaire, Robert Dalban en truand et Annette Poivre en téléphoniste, pour ne citer qu’eux. Tout le générique est à l'avenant.

Voilà donc un chef-d’œuvre incontournable, à savourer, toutes affaires cessantes.

Francette


1 commentaire :
GUY05
Le 21/02/2012

Une -triste- anecdote : En 1943, Henri-Georges Clouzot réalise "Le corbeau", un des chefs-d'oeuvre du réalisme noir au cinéma. Ce film s'attire les foudres de la censure à la Libération et vaut au réalisateur une interdiction de travail à vie.Grâce à l'activisme de ses défenseurs, la mesure d'exclusion ne fut finalement que temporaire et Clouzot revint à la réalisation en 1947 avec "Quai des orfèvres" qui marque le début de sa collaboration avec Louis Jouvet. Avec "Quai des orfèvres", Clouzot reçut le prix de la mise en scène au festival de Venise en 1947. Il remporta également le prix du meilleur film étranger aux Edgar Allan Poe Awards en 1949. En France, le film réalisa 5.544.721 entrées.