Cette musique ne joue pour personne

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Dans une ville portuaire, des êtres isolés, habitués à la violence, vont soudain voir leurs vies bouleversées par le théâtre, la poésie et l’art. Et leurs quotidiens, transformés par l’amour.

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Festival de Cannes 2021 : Cannes première

Le Port de l’angoisse

Écrivain reconnu, fort d’un prix du public reçu en 2000 au Festival d’Amiens pour son court métrage Nouvelle de la tour L, Samuel Benchetrit est passé à la réalisation avec Janis et John (2003), avant de signer J’ai toujours rêvé d’être un gangster (2007), qui lui a valu le prix du meilleur scénario dramatique dans la catégorie cinéma du monde de Sundance 2008,Chez Gino (2011) et Un voyage (2014). Il a déjà présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2015 Asphalte. Tourné au cours de l’été 2019, son septième long réunit Vanessa Paradis,Valeria Bruni Tedeschi, François Damiens, Ramzy Bedia, JoeyStarr, Bouli Lanners, Gustave Kervern, Vincent Macaigne et Jules Benchetrit dans une ville portuaire où quelques éclopés de la vie vont être transfigurés par l’irruption de l’art en général, du théâtre et de la poésie en particulier au point de découvrir l’amour. Ce film franco-belge au scénario écrit par l’auteur et son complice de toujours,Gábor Rassov, est coproduit par Single Man Productions et JM Films, sera distribué par UGC le 1er septembre et est vendu par UGC International.

 

 

Imaginez un peu les durs à cuire des Affranchis ou des Soprano parachutés sans prévenir à Dunkerque ! Ça vous donne une petite idée de cette histoire de petits malfrats aussi drôles que touchants embarqués dans une comédie qui fleure bon l’humour belge, ou celui de nos chouchous Benoit Delépine et Gustave Kervern. On ne s’étonnera donc pas de voir Gustave incarner un homme de main qui vient, équipé d’une hache persuasive, effectuer une démarche de recouvrement auprès de l’épouse du comptable indélicat de son patron. Sauf que : 1/ le comptable a passé l’arme à gauche accidentellement – suite à une dispute conjugale pourtant pas plus virulente qu’une autre – et git présentement au congélateur ; 2/ l’épouse, incarnée par une Vanessa Paradis épatante, est, malgré sa foldinguerie – qui la pousse par exemple à se lancer à corps perdu dans les répétitions d’une comédie musicale sur le couple Beauvoir / Sartre –, terriblement séduisante, si bien que le voyou – au grand cœur, le voyou, c’est Gustave ! – va en tomber instantanément amoureux, compromettant ainsi salement sa mission.
Ce n’est qu’une des savoureuses trouvailles burlesques de cette comédie au casting dingo : on y rencontre par exemple François Damiens en caïd des docks de Dunkerque qui se sent pousser des ailes de poète depuis qu’il est tombé amoureux d’une caissière de supermarché ; mais aussi des malfrats de seconde zone incarnés par ni plus ni moins que Ramzy, Bouli Lanners et Joey Starr au mieux de leur forme, dont l’une des missions les plus sensibles est d’intimider des adolescents pour qu’ils viennent à la fête d’anniversaire de la fille du patron. Des jeunes gens et jeunes filles qui vont s’avérer plus retors et cyniques que les fausses brutes supposées les terroriser !
Samuel Benchetrit, dont on avait tant aimé il y a dix ans, dans un genre assez proche, J’ai toujours rêvé d’être un gangster, a le don de filmer des personnages aussi déglingués qu’attachants dans des situations absurdes et cocasses. Avec des dialogues aux petits oignons, qui fusent notamment entre les deux gros bras incarnés par Joey Starr et Bouli Lanners, hilarant en distributeur de bourre pif qui prône pourtant « le calme intérieur ». La grande réussite du film tient aussi au personnage en parfait contre emploi de Vanessa Paradis, qui incarne avec folie et sincérité cette comédienne tout à son projet de comédie musicale où elle donne vie à une Simone de Beauvoir plus vraie que nature, sous la direction d’un Bruno Podalydès parfait en metteur en scène à côté de la plaque. Mais le charme du film ne tient pas seulement à ses personnages et à ses dialogues : Samuel Benchetrit sait parfaitement utiliser l’espace, les paysages singuliers, parfois désolés, de Dunkerque et du littoral de la Mer du Nord pour créer une mise en scène précise et poétique, avec notamment des séquences saisissantes sur les docks ou dans les dunes où se livre une séquence de fusillade hilarante.
On savoure les aventures de ces pieds nickelés comme on feuilletterait les BD de rockers de Margerin, avec en bonus de belles échappées surréalistes, car au-delà du rire, Benchetrit sait merveilleusement – là encore comme ses amis Kervern et Delépine – faire exister tous ces losers déjantés, touchants dans leurs tentatives souvent ratées de trouver un sens à leur vie alors que leur jeunesse n’en finit pas de foutre le camp.