C’est vraiment bête, et même franchement un peu flippant, mais quand j’ai vu ce film, j’ai pensé à Alain Finkielkraut. Je vous rassure, sur le papier, aucun, mais vraiment aucun rapport entre celui-ci et celui-là. À vrai dire, j’ai pensé à Finkielkraut comme j’aurais pu penser à n’importe quelle personne ayant pignon sur médias et qui passe son temps (d’antenne en tout cas) à regretter le temps D’AVANT, à fustiger la jeunesse parce qu’elle est trop comme ci ou plus assez comme ça, trop métissée et pas assez classiquement cultivée, à radoter que tout fout le camp, que les bonnes manières se perdent et notre France éternelle avec…
Il faut donc montrer ce film à tous, parce qu’il est beau, drôle et pétillant mais le montrer surtout à ceux-là sus-cités, comme un antidote aux étiquetages paresseux, un moyen de remettre un peu de peps dans toutes les pensées qui glissent doucement de l’autre côté du miroir (ou du trottoir), le côté où l’on a définitivement oublié la lumière vive de ses vingt ans (et ça, c’est moche).
A l’heure de ces lignes, on ne sait pas encore à quelle sauce sanitaire nous serons mangés, mais une chose est sûre, quelle que soit la saveur de l’été : ce film vous fera chaud au cœur et à la tête, instantanément et, mieux encore, durablement.
Az, ouvrier ostréicole à Sète, est vraiment un garçon formidable : attentionné mais pas obséquieux, doux mais pas docile, blagueur mais toujours sans outrance, tchatcheur mais sans l’once d’une flagornerie. Il aime depuis longtemps Jessica, comédienne dont il a accompagné tendrement l’ascension vers la gloire, enfin, vers le premier rôle d’une série policière locale façon Plus belle la vie. Il est temps de lui faire sa demande car Az est un garçon romantique et que l’amour, c’est chose sérieuse. Mais rien ne va se passer comme prévu.
Car c’est sans compter avec : une perle mal placée dans une huitre un peu spéciale ; un partenaire de série un peu trop attirant ; un maillot de bain que l’on ne peut pas prêter ; des cornes de gazelle ; des répétitions de danse ; une fête à laquelle on n’est pas invité ; du raï ; mais surtout, surtout : une bande de potes qu’on avait un peu mis de côté et la plus jolie des pygmalionnes, qui va aider Az à remonter la pente douce de sa mélancolie. Car oui, Az est un garçon fragile qui va, au contact de la fulgurante Lila, sa copine de longtemps, retrouver goût à la vie.
L’air de rien, sous ses allures de comédie romantique estivale, Fragile fracasse avec délicatesse pas mal de clichés. Les jeunes y ont une tchatche communicative, drôle et ciselée, qui ne dépareillerai pas dans les salons littéraires de Madame de la Fayette. Les femmes (mères, sœurs, grands-mères, amie) sont puissantes, les garçons pleurent sans honte, dansent pour séduire et/ou mettent la main à la pâte d’amande… Et le plus beau, c’est que tout se passe sans que jamais soit fait usage du moindre téléphone portable !
Ce premier long métrage d’Emma Benestan est un cocktail pétillant, avec des zeste du cinéma d’Abdellatif Kechiche, d’Eric Rohmer et d’Emmanuel Mouret dedans, mais avec surtout un ton bien à lui et une bande de comédiens absolument épatants qu’on a tout de suite envie d’aimer et de suivre… De chouettes personnes à surveiller de très près !