Les Ogres TP

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Ils vont de ville en ville, leur spectacle en bandoulière, un chapiteau sur le dos. Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangés des femmes, des enfants, du théâtre et des kilomètres. Mais aujourd’hui ils vieillissent et personne n’a envie de ça, vieillir. Alors que la fête commence !

Vos commentaires et critiques :

Les saltimbanques

Léa Fenher nous avait bouleversés avec son premier film Qu’un seul tienne et les autres suivront, elle nous en offre un second dans un tout autre registre. Les Ogres ! Voilà un titre rudement bien choisi, qui colle aux personnages pantagruéliques de cette fable un brin amorale et à plusieurs vitesses. Ils croquent la vie à pleines dents, sans se retourner sur leurs ravages : à quoi bon ? Cela fait partie de la nature de ces grands insolents qui n'ont pas renié la folie de leur enfance. Baladins sur scène comme dans la vie, ils surgissent d'on ne sait où, sautant de ville en village, de scènes en plateaux, de sourires en crises – de rire, de colère comme de larmes. Ils osent tout, de la tendresse à l'hystérie, se jurant toujours de ne jamais abdiquer leur liberté. Ils bousculent le monde et s'étonnent de le voir se fâcher ! On ne sait si on doit les haïr ou les aimer, mais peut-être est-ce au fond un peu la même chose, tant l'amour et la haine peuvent être des sentiments dévorants.
Et si Léa Fenher les dépeint avec autant d'humour et si peu de complaisance, si elle ose les chatouiller et les égratigner jusqu'à la moelle épinière, c'est qu'il coule en elle le même sang. Être une ogresse et l'assumer fait partie de ses gènes. C'est comme un exorcisme aux vertus libératoires qu'elle nous offre là. Elle semble avoir chaussé ses yeux de petite fille pour filmer avec émerveillement l'exubérance déconcertante de ces géants, ces monstres de scène, ces adultes qui peuplèrent son enfance pour le pire et le meilleur, à commencer par ses propres parents.
Elle aurait pu se contenter d'en tirer une plate autobiographie ? Mais non ! Il fallait un défi à la démesure de sa tribu sans renier l'infidélité de ses souvenirs travestis par le temps, s'en servir au contraire, comme d'une trame pour broder, repeupler, réinventer un univers, en faire cette pure fiction, cette allégorie prise dans les feux de glace du rêve et de la réalité. Nous voilà engloutis par ces grandes gueules d'artistes, émus ou énervés par leurs débordements qui questionnent nos tiédeurs, nos docilités.
Drôle de road-movie perpétuel que celui de la troupe du Davaï, théâtre itinérant où il faut, à chaque étape, se lancer dans un rituel éternellement renouvelé. Planter le chapiteau, aller appâter le chaland : faire la parade quoi qu'il arrive ! Donner le change même si le temps ou quelques-uns font grise mine. C'est comme un sacerdoce païen, grivois, libertaire. Un engagement au service d'un art populaire où l'on rend la culture à la rue. La gravité, les grands mots camouflés sous le voile de farces légères, voilà nos saltimbanques prêts refaire le monde sans trop d'illusion. C'est une vie de bohème tout à la fois exaltante et éprouvante dans laquelle François, le fondateur de la troupe, a entraîné femme, enfants, comédiens et, dans leur sillage, une ribambelle de loupiots incontrôlables, à l'instar de leurs aînés.
Une famille d'adoption qui protège mais où l'on n'échappe jamais tout à fait au regard des autres. Ici tout se sait et on rigole de tout, sinon on boit pour oublier. En tout cas on ne fait rien dans la mesure. Alors, même s'il les tait, le chagrin qui traverse le cœur de Monsieur Déloyal, sa capacité d'autodestruction, n'échappent pas à ses pairs. Et quand il va merdoyer ferme, c'est toute la tournée et l'équilibre de la compagnie qui vont en être affectés. Puis l'arrivée de la pétillante Lola, son passif avec Marion, la compagne de François, va finir par rendre la situation explosive…