Fruitvale Station

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Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, 22 ans, croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale, San Francisco. Cette rencontre va transformer un inconnu en fait divers. Le film raconte les vingt quatre heures qui ont précédé cette rencontre.

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Je voulais sortir mon taser

Oscar, c'est ce beau gosse noir de vingt-deux ans au sourire craquant que nous allons suivre pendant quelques heures. Lui et sa petite famille. Tous bien vivants, vibrants, bruyants. Tendres aussi. De grands benêts qui se chamaillent, se taquinent, c'est la vie qui vous bouscule, vous ramène à l'essentiel. La joie, toute bête et simple, d'être avec les siens, soudés dans les coups durs, de pouvoir mordiller les jolies formes rebondies de Sophina, ou de voir simplement leur fille grandir. Elle est si choupinette du haut de ses cinq ans, sous ses couettes si joliment crépues, ses grands yeux qui vous observent, doux et confiants. Oscar apprécie d'autant plus tout cela qu'il est resté loin d'eux quelques temps, à l'ombre d'une prison. Faut dire que c'est tellement plus simple d'arrondir ses fins de mois en vendant quelques grammes que de trouver un vrai job par ici… Éternelle rengaine que vous connaissez. Et ça lui colle encore à la peau, les tentations sont grandes. Pas de recette facile pour se refaire une virginité, reprendre sa vie en main, passer à autre chose. Il a beau rêver d'un quotidien moins agité, plus rangé, loin des erreurs du passé… Il va falloir se le gagner. Oscar en a pris conscience et l'arrivée de ce nouvel an prend une saveur un peu spéciale, symbolique. Comme un passage à franchir pour se construire une nouvelle vie, moins houleuse. Mais… Un « accident » est si vite arrivé… Et filmé…

Ils seront des centaines, ils seront des milliers à protester contre ce qui est arrivé à Oscar ce soir-là et qu'il ne méritait pas, comme une sorte de double peine disproportionnée. Un fait divers parmi tant d'autres, qui aurait pu passer inaperçu, mais qui fit le tour du monde et fut interprété comme le baromètre d'une humanité qui part parfois à vau-l'eau. Symbole de la fatalité sociale, de l'impossible rédemption. Ce qui touche dans Fruitvale Station, ce sont tous ces moments d'intimité, si bien rendus, l'ambiance du quartier, du métro, de la rue festive… Cela donne un ensemble captivant, sur le vif, presque ethnographique. Les mécanismes de la violence qui monte, de la tension qui va faire déraper un des flics, sont décortiqués au scalpel et même si la fin est un peu appuyée, ça reste bougrement efficace.


Des faits divers dramatiques se produisent malheureusement trop souvent de nos jours. C'est pour mettre en avant l'un de ces faits divers, que le réalisateur Ryan Coogler est parti à la conquête d'un studio de production avec l'idée d'un film en tête. À la recherche de jeunes metteurs en scène et d'idées de films atypiques, Forest Whitaker a rencontré Ryan Coogler et se fût le coup de foudre instantané. Heureux dans l'idée d'exposer au monde cette histoire et l'opinion du metteur en scène, Forest Whitaker a donc produit un film qui se nomme Fruitvale Station. Afin de raconter au mieux l'histoire d'Oscar Grant, jeune américain noir qui a été prit à parti par les forces de l'ordre dans une station de métro, Ryan Coogler c'est lancé dans l'idée de nous dévoilé l'intégralité de la journée qui a précédé cet incident. Assez lent à se mettre en place, on comprend très rapidement l'intention du metteur en scène qui est de forcer le spectateur à s'attacher au personnage. Toujours au centre du cadre, on vit avec Oscar Grant durant une journée et on apprend à la connaître. Forcé de rendre son personnage attachant afin de finir sur un sentiment d'injustice, le scénariste met tout en œuvre pour le rendre humain. De cette manière, il va nous exposer ses qualités, mais aussi ses défauts. Nous présenter un homme avec ses défauts est une bonne chose, car on nous prouve qu'il reste humain et qu'il n'est pas celui qu'on peut croire simplement en le visualisant.

 

L'idée de rendre un personnage attachant et humain en démontrant qu'il peut-être comme nous tous est assez intéressante, mais celle-ci est bien la seule bonne idée scénaristique. À trop vouloir nous exposer son opinion sur cet incident anormal, Ryan Coogler empêche le spectateur de se faire son propre avis sur l'homme. Vouloir dénoncer est naturel surtout quand on voit le film, mais il est tout aussi naturel de laisser une once de liberté au spectateur afin qu'il puisse se faire son propre avis sur Oscar Grant. Cloîtré entre quatre murs, le spectateur n'a pas la liberté qu'il mérite en visionnant le film. De ce fait, le film ne prend pas l'ampleur qu'il aurait mérité au vu du propos qu'il souhaite partager. Brutal, il en reste un film coup de poing qui nous fait comprendre que derrière cet homme en particulier ce cache quelqu'un de bien. Attachant malgré son tempérament de feu, on est en empathie avec lui et avec sa famille. On partage leurs douleurs et leurs peines jusqu'au moment où le film sombre dans le voyeurisme. Au lieu de s'arrêter au moment opportun qui aurait laissé le spectateur sur une émotion forte et brutale, le metteur en scène va plus loin lors de courtes scènes alors qu'il n'aurait pas dû franchir cette limite. [Rien de plus ne sera dit pour éviter tout spoil].

 

Malgré une implication beaucoup trop personnelle dans l'écriture du scénario, Ryan Coogler s'en tire bien pour sa première réalisation avec une mise en scène judicieuse qui arrive à bien mettre en avant les personnages et les acteurs. Pour son premier véritable grand rôle, Michael B. Jordan émerveille à travers un personnage assez complexe. Entouré par de très bons seconds rôles (Octavia Spencer et Melonie Diaz sont très convaincantes) il arrive à sortir du lot et à offrir une belle composition qui oscille entre plusieurs émotions tout en restant naturel dans son jeu. Correct dans sa mise en scène, Ryan Coogler a tout de même des efforts à faire dans choix des cadres et dans la façon de réalisé. Trop tenté par le fait de faire ressortir un aspect naturel, il utilise à trop de reprises une caméra à l'épaule alors qu'un simple plan fixe pourrait suffire afin d'éviter les tremblements incessants de la caméra. Grâce à son casting impressionnant ainsi qu'à son aspect naturel qui renforce l'immersion du spectateur afin que la prise de conscience soit d'autant  plus brutale, Fruitvale Station reste un film coup-de-poing qui mérite le visionnage. Le long-métrage aurait peut-être mérité une meilleure écriture avec notamment une plus longue explication de l'après Fruitvale Station, mais ça, c'est une autre histoire...