Magic in the Moonlight

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Côte d'Azur dans les années 20, Un grand magicien tente de démasquer l'imposture d'une femme médium.

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Il a dû tomber dans la marmite de potion magique quand il était petit, Woody, ou se faire marabouter, à moins qu’il n’ait tout simplement passé un pacte avec le diable… Comment sinon expliquer ce sentiment d’éternelle jeunesse, de fraîcheur candide qui irradie son dernier tour de passe-passe. Charmant comme un conte d’été, léger comme l’insouciance des années folles, ludique comme une partie de ping-pong au clair de lune, Magic in the moonlight est porté par une grâce apparemment futile et par l’humour singulier et pétillant d’un jeunot de bientôt quatre-vingt piges qui visiblement ne connaît pas l’ennui.

On est à la fois en terrain connu – un film de Woody Allen a ses codes, ses rites, sa tonalité, sa musique, qu'on connaît bien – et dans un constant renouvellement : entre le noir et cruel Blue Jasmine et cet aérien Magic in the moonlight, il y a un monde. Celui d'un vrai créateur. Et il y a en tout cas une nouveauté bien tangible : Colin Firth, qu'on n'avait encore jamais vu chez Allen. Il est époustouflant d'intelligence de jeu, de charme, d'autorité, de fragilité, de profondeur… Si on aime les comédiens, il faut voir le film rien que pour lui.

Colin Firth est Stanley Crawford, anglais classe tiré à quatre épingles… alias Wei Ling Soo, fameux prestidigitateur soi-disant chinois qui se donne en spectacle avec un succès fou sur les scènes internationales les plus prestigieuses. En l'occurrence, en ce soir de 1928, à Berlin (magnifique scène d'ouverture). Rien ne lui fait peur : faire disparaître un éléphant, couper ses assistantes en deux ou s’évaporer comme un songe. Il vend du rêve et de la magie à une audience friande d’émotions fortes. Mais quittée la scène, l’homme est tout sauf un doux rêveur. Arrogant, cynique, misanthrope, méprisant pour le monde en général et la cour qui officie autour de lui en particulier, il manie un humour féroce et aime taper là où ça fait mal. Il se targue par ailleurs d'être un grand esprit scientifique, doté d’un sens inné du rationnel, et il se fait un plaisir de ridiculiser les charlatans qui se prétendent médiums, les adeptes de l’occultisme, du spiritisme, de les renvoyer dans les cordes de leur imposture de pacotille.

Aussi, quand un confrère magicien qu'il connaît depuis la faculté vient lui exposer le cas d’une jeune médium, Sophie Baker, qui a envoûté une riche famille américaine séjournant dans le sud de la France et qu’il n’est lui-même pas parvenu à démasquer, Stanley est piqué de curiosité et décide de se rendre en Provence – sous une fausse identité of course – afin de confondre sans coup férir l'usurpatrice.

Le soir même de son arrivée, Stanley assiste en observateur sceptique à une séance de spiritisme durant laquelle la jeune et jolie Sophie Baker entre en contact avec le mari décédé de sa bienfaitrice, qui d'évidence y croit dur comme fer… Il sera ensuite le témoin de divers pressentiments, visions, images mentales, révélations… La jeune femme distillera même avec gourmandise quelques informations sur la vie de Stanley qu'elle n'a a priori aucune chance de connaître…

D’abord droit dans les bottes de son intraitable rationalité, le magicien sans illusions se sent devenir perplexe. Commencerait-il à douter ? Et si la magnétique Sophie avait réellement un don ? Et si la réalité ne se résumait pas à ce que l'on en voit, à ce que l'on en sait ? Et si toutes ses certitudes n’étaient que l'expression de son étroitesse d'esprit, de son manque d'imagination ? Et si la magie existait sans trucages, sans astuces, sans ruses ?

Alors, ode à la dialectique de l'illusionnisme (que le cinéaste pratiqua dans sa jeunesse) ou à l'existence de l'intangible ? Ce n'est certes pas nous qui vous donnerons la réponse à cette question. En tout cas déclaration d'amour au cinéma, acte de foi en son pouvoir enchanteur, qui va bien au-delà du raisonnable. Pour Woody Allen, un film c'est ça : un merveilleux tour de magie.