Quand vient la nuit

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Bob Saginowski, barman solitaire, suit d'un regard désabusé le système de blanchiment d'argent basé sur des bars-dépôts – appelés « money drop » - qui sévit dans les bas-fonds de Brooklyn. Avec son cousin et employeur Marv, Bob se retrouve au centre d'un braquage qui tourne mal. Il est bientôt mêlé à une enquête qui va réveiller d'anciens drames enfouis.

Vos commentaires et critiques :

Après la réussite de Bullhead, un premier long métrage très personnel, le belge Michaël R. Roskam confirme son talent de metteur en scène en allant tourner le scénario d'un autre en Amérique. Le cinéaste a remporté ce pari en s'entourant de quelques-uns de ses plus précieux collaborateurs et en choisissant un sujet en phase avec son univers. Quand vient la nuit est l'adaptation par Dennis Lehane (Mystic River, Shutter Island...) d'une de ses propres nouvelles et pourtant on pourrait croire que le romancier a écrit son premier scénario de long métrage spécialement pour Michael Roskam, tant on retrouve ici d'éléments présents dans Bullhead. À commencer par la relation particulière et symbolique qui relie le protagoniste à l'animal.

En recueillant un chiot blessé dans une poubelle, Bob Saginowski (Tom Hardy) donne un sens à sa vie. Sauver ce petit être qui semblait perdu lui permettra de s'épanouir en tant qu'homme et de sortir de la solitude où il s'était laissé enfermer. Le contraire du Jacky de Bullhead, qui se condamnait en s'administrant le régime pharmaceutique destiné à des bœufs. D'autres parallèles s'établissent entre les deux films : la description détaillée d'une organisation mafieuse qui sert de pivot à l'intrigue (ici, le choix d'un bar différent chaque soir comme dépôt de la recette en liquide des activités illégales de la journée) ; l'idée que le passé finit toujours par refaire surface, comme le ressasse d'emblée la voix off ; le jeu des alliances secrètes et des trahisons dans un univers viril où la femme aimée, elle-même éprouvée par la vie, demeure la seule échappatoire.

S'y ajoutent les motifs hatibuels du film criminel (braquage, racket et enquête policière), convoqués comme moteurs ou révélateurs de l'évolution du protagoniste. Cela pourra dérouter l'amateur de polar à la mécanique implacable, mais c'est l'originalité de Roskam que de privilégier les personnages sur l'action. Toute la mise en scène tend à faire partager leurs émotions et à révéler leur complexité, alors qu'ils apparaissent au début comme de simples losers...

Roskam a emmené avec lui son directeur de la photographie Nicolas Karakatsanis et il est son atout maître, sur lequel il s'est appuyé pour conserver la maîtrise esthétique de son film, tourné sur les lieux de l'action, à Brooklyn. L'intrigue se situe autour de Noël (pour évoquer l'atmosphère des contes) et le travail sur les couleurs contribue à créer cette délicieuse langueur qui rappelle l'atmosphère fiévreuse de The Yards de James Gray, cinéaste auquel on pense autant pour les ambitions plastiques que pour l'attention accordée aux personnages sur fond de film noir.

Un thriller glauque au scénario tordu qui ravira les amateurs de polars que nous sommes.