Deux

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Nina et Madeleine, deux retraitées, qui sont profondément amoureuses l’une de l’autre. Aux yeux des autres, elles ne sont que de simples voisines. Au quotidien, elles vont et viennent entre les deux appartements qu’elles partagent au dernier étage de leur immeuble. Leur palier est une passerelle entre deux univers, la vie bien rangée de l’une, grand-mère attentive aux conventions, et celle plus libre de l’autre. Autrichienne déracinée, Nina est une femme indépendante qui supporte de moins en moins cet amour vécu dans l’ombre. Un jour, un événement tragique survient et les portes se referment. Madeleine est arrachée à Nina. Le palier qui les sépare devient un fossé, un gouffre sans fond qu’elles tenteront à tout prix de franchir pour se retrouver.

Vos commentaires et critiques :

Ce sont des rêves d’Italie qui bercent les réveils de Madeleine, en même temps que les doux baisers de sa compagne cachée, Nina. Aux yeux de tous, cette dernière n’est qu’une voisine qui vit sur le même palier. Toujours fourrées l’une chez l’autre, elles se nourrissent d’un amour lumineux qui ne demande qu’à s’affirmer au grand jour. Alors, elles manigancent, planifient comment vendre leurs appartements respectifs pour partir s’installer ensemble dans un quartier de Rome, s’offrir la liberté à laquelle elles ont de tout temps aspiré, loin des contraintes sociales, du regard des autres. À 70 ans, tous les coups sont permis pour jouir pleinement de la vie ! Il faut les voir s’enlacer avec une tendresse fougueuse, pleines de désir, faisant fi des rides, assumant leurs peaux qui ont bien vécu. Puis virevolter, joyeuses, au gré de leurs chansons préférées, prêtes à s’échapper hors du cadre, à tout jamais complices et complémentaires. Leur passion ne fait pas son âge, vivace comme au premier jour. Une connivence qui n’est certainement pas née de la dernière pluie.
Si l’univers de Nina est spartiate, celui de Madeleine est foisonnant, chargé de souvenirs et de bibelots en tous genres qui témoignent d’une existence classique et bien remplie : il y eut jadis un mari, une vie de famille… Comment dire à ses propres enfants, élevés dans un milieu si normatif, que tout cela n’était qu’un leurre, qu’on est pas celle qu’ils ont cru ? Comment leur dire qu’on s’apprête à remiser au placard la panoplie de la mamie rangée qu’ils pensaient connaître par cœur ? Le bon sens voudrait que ce soit dit simplement à ceux qui, désormais adultes, n’ont manqué de rien, surtout pas d’affection. Alors pour son anniversaire, Madeleine, bien préparée, coachée par Nina, prend son courage à bras le corps, et entame la phrase fatidique : « Je voulais vous dire une chose importante pour moi… », qu’elle ne finira pas comme prévu… La voilà prise au piège de tous ces mots qui ne sortent pas, prise en tenaille entre la peur de faire souffrir ceux qu’elle aime, en particulier sa fille Anne, et celle de ne pas s’autoriser à exister. Sachant le sujet trop brûlant, la chose trop douloureuse, elle ne parviendra pas à confesser son « coming out » raté à Nina, qui sera furieuse quand elle le découvrira, prête à s’en prendre à la terre entière. Comme on la comprend, après toutes ces années d’attente, de duplicité forcée… La tension est à son paroxysme et on ne voit pas très bien comment les deux amantes pourraient se sortir de l’ornière, quand le destin va se jouer de tous les pronostics et que les rôles vont se trouver étrangement inversés… 
Filippo Meneghetti qualifie son premier long métrage de mélodrame mis en scène comme un thriller de mœurs. Il y a effectivement un peu de tout cela dans Deux et bien plus encore. C’est surtout un magnifique questionnement, tout en retenue, sur le poids du regard, le nôtre, celui des autres. Ces regards capables de nous libérer ou de nous plomber sous la chape des convenances. Il y a bien sûr ceux que se portent Nina et Madeleine, autant moteurs d’émancipation que d’auto-censure, mais aussi ceux des enfants sur leurs parents, en particulier celui d’Anne qui se durcira quand elle sera confrontée à une autre vérité que la sienne, la refusant en bloc comme si elle était une véritable trahison. Dans le fond, l’homosexualité devient vite un sujet secondaire. Ce qui bouscule réellement ce petit monde, c’est de découvrir que leurs représentations sont totalement faussées. 
On ne peut conclure sans parler de l’interprétation remarquable des actrices, et dire combien sont rares et salutaires ces moments qui nous racontent que ni le désir, ni la sexualité ne s’estompent avec l’âge, tant que le cœur y est !