Bienvenue à Suburbicon -12

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Suburbicon est une paisible petite ville résidentielle aux maisons abordables et aux pelouses impeccablement entretenues, l’endroit parfait pour une vie de famille. Durant l’été 1959, tous les résidents semblent vivre leur rêve américain dans cette parcelle de paradis. Pourtant, sous cette apparente tranquillité, entre les murs de ces pavillons, se cache une réalité tout autre faite de mensonge, de trahison, de duperie et de violence... Bienvenue à Suburbicon.

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Bienvenue à Suburbicon, le sixième film signé George Clooney, pourrait s’appeler « Bienvenue à Charlottesville ». L’acteur-réalisateur n’avait certes pas pu prédire les récentes éruptions de haine raciale en Amérique, mais impossible de ne pas penser à celles-ci quand, dans les premières minutes du film, on voit une famille noire emménager dans l’idyllique petite bourgade de Suburbicon, à la fin des années cinquante, et déclencher par leur simple présence la colère de leurs voisins blancs, qui sortent aussitôt les fourches et les drapeaux confédérés… Toute ressemblance avec l’actualité la plus brûlante ne serait certes qu’une pure coïncidence. Mais soulignerait également encore plus la dimension anti-Trump du film. 
À l’origine, Clooney voulait s’inspirer d’une histoire vraie (des Blancs s’opposant à l’installation d’une famille noire dans leur quartier), survenue à Levittown, Pennsylvanie, en 1957. Mais, ne parvenant pas à trouver le bon angle d’attaque pour en tirer un scénario digne de ce nom, il s’est souvenu d’un vieux script des frères Coen, que le duo était censé mettre en scène à la fin des années 90, puis avait fini par abandonner. Et c’est ainsi que la dissertation du citoyen Clooney sur le fossé racial en Amérique s’est métamorphosée en comédie zinzin dans la veine de Blood Simple et Fargo, avec héros crétins, tueurs bas du front, arnaque à l’assurance et violence façon cartoon. 
Comique ? Sérieux ? Insouciant ? Engagé ? Au début du film, ça part un peu dans tous les sens façon puzzle, mais la mécanique bien huilée se met finalement en place et on comprend assez vite où Clooney veut en venir avec ce script 100% frères Coen au ton et au style reconnaissables parmi cent. Et là, le plaisir est monstre. Toute l’histoire est vue à travers les yeux d’un garçon de dix ans, qui observe le sordide ballet des adultes autour de lui : les cinglés racistes qui hurlent leur haine dans le jardin d’à côté et la bande de minables qui lui sert de famille, en train de s’engluer dans leurs combines lamentables.
On pourrait ainsi résumer le film de deux façons. Version Clooney : c’est l’histoire d’un enfant qui comprend que le rêve américain est un mensonge. Version Coen, plus prosaïque : c’est l’histoire d’un enfant qui comprend que son père est un connard. Le paternel en question est joué par un Matt Damon à son maximum de bonhomie hébétée, toujours absent, ailleurs, massif mais presque transparent. Damon joue très bien les sales types. Tous les acteurs ici ont d’ailleurs l’air de s’amuser comme des petits fous, de Julianne Moore dans un double rôle de sœurs jumelles à Glenn Fleshler en tueur sadique. Mais rien ne vaut l’extraordinaire apparition d’Oscar Isaac en détective moustachu sorti tout droit d’un roman de James M. Cain, qui vole le show en deux scènes et insuffle une énergie démentielle à la dernière demi-heure (c'est le rôle qui était destiné à George Clooney lui-même si les frères Coen avaient tourné le film à l'époque…).