Contre-pouvoirs -12

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Abrités depuis la décennie noire des années 90, au sein de la Maison de la Presse, les journalistes du célèbre quotidien El Watan attendent la livraison de leurs nouveaux locaux, symbole de leur indépendance.
Après vingt années d'existence et de combat de la presse indépendante algérienne, de joies et de pleurs, j'ai décidé d'installer ma caméra au sein de la rédaction d'El Watan qui suit l'actualité de ce nouveau printemps algérien... Le Président Bouteflika brigue un quatrième mandat.
Au-delà de ce qu'on appelle 'les révolutions arabes' et autres termes médiatiques, ce film, je le souhaite avant tout comme une contribution à la mémoire des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, qui mènent un combat au quotidien afin de préserver la liberté d'informer dans un pays politiquement et socialement sclérosé.

Vos commentaires et critiques :

 

El Watan

C’est un documentaire remarquable à la narration classique, mais instructif et nécessaire. Une plongée dans le quotidien du comité de rédaction d’El Watan, plus grand journal francophone algérois fondé en 1990, qui n’a rien à envier à ses confrères internationaux, avec son édition en ligne, ses suppléments thématiques, ses correspondants spécialisés, et qui a su intelligemment et vite se moderniser.

On suit ici la campagne électorale qui verra le cacique Bouteflika, pathétique ombre de lui-même, obtenir un quatrième mandat présidentiel au printemps 2014. Le film suit ce chantier et un autre aussi en parallèle, le déménagement du journal dans de nouveaux locaux en construction, symboles de sa future indépendance, et de l’évolution de certains pans de la société algérienne. Avec ses moments ubuesques, comme ceux qui nous montrent le contremaître algérien et les ouvriers de l’entreprise chinoise, à la fois guinéens, turcs, maliens qui ont bien du mal à se comprendre.

Vingt ans après une vague d’assassinats, la sanglante décennie noire, qui a vu une centaine de journalistes périr « par l’épée », Bensmaïl rend hommage à cette presse d’opposition bien vivante qui ne cesse de se battre face à la mascarade du pouvoir à laquelle se prête le personnel politique, qui voudrait tout museler et prendre le peuple pour des ânes bâtés. Il filme les visages, les rotatives, la machine en mouvement, c’est un film au cœur de la rédaction, sur la construction et la circulation, celle des réunions, articles en écritures, réflexions et débats d’idées entre journalistes, dessins satiriques à la une, et ces moments d’une presse farouchement indépendante qui sont l’expression et la trace des soubresauts de la vie politique et sociale de l’Algérie.

L’Algérie est une société qui se cherche, dans cette rédaction les idées s’opposent, on perçoit un chaos quotidien, doutes, contradictions s’entrechoquent et c’est sûrement la force de ce journal, laboratoire d’idées où se défend viscéralement une conscience politique pour donner malgré tout la parole au peuple, un maelström qui infuse aussi ce rythme tendu au film.

Le réalisateur a su transcrire la complexité et l’intelligence de ces journalistes aux convictions personnelles parfois divergentes, mais pour lesquels l’unité est une priorité, l’expression du contre-pouvoir indispensable à chaque moment où la démocratie vacille. On apprend comment se forme, s’oppose et se construit l’information indépendante. Journaliste est un métier dangereux, « l’absence de loi donne à l’activité journalistique un haut risque pénal » souligne le patron Omar Belhouchet, véritable héros de la guerre pour la liberté d’expression.

Bensmaïl ajoute : « En Algérie, il est plus facile de définir les contre-pouvoirs ». Dans de belles ouvertures extérieures, piqûres de rappel nécessaires, il nous suggère que dans la rue, des mouvements sociaux de contestation, tels que Barakat, existent bien, preuve s’il en était besoin que filmer comme informer sont des activités vitales à la vie de l’Algérie.