Yves

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Jérem s'installe chez sa mémé pour y composer un disque de rap. Il y fait la rencontre de So, mystérieuse enquêtrice pour le compte de la start-up Digital Cool, qui le persuade de prendre à l'essai Yves, un réfrigérateur intelligent, censé lui simplifier la vie. Petit à petit, le frigo va gagner l'amitié de Jérem, jusqu'à faire de lui une star en devenant son ghost writer.
  • Titre original : Yves
  • Fiche mise à jour le 13/06/2019
  • Année de production : 2018
  • Réalisé par : Benoit Forgeard
  • Acteurs principaux : William Lebghil, Doria Tillier, Philippe Katerine
  • Date de sortie : 26 juin 2019
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France :
  • Distributeur international :
  • Durée : 107 minutes
  • Origine(s) : France
  • Genre(s) : Comédie
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : 1.85
  • Format son : 5.1
  • Visa d'exploitation : 147460
  • Indice Bdfci :
    69%

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QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2019 : FILM DE CLÔTURE

Mon frigo bien-aimé

“Pendant longtemps, je me suis livré à un exercice  matinal d’écriture, qui consiste à écrire des pitchs de scénarios en  quelques  phrases,  comme  des  sortes  de  haïkus. À  l’origine, Yves était l’un de ces pitchs, la plupart du temps intournables car j’essaie de ne mettre aucune limite à mon imagination. Mais cette fois, j’ai tiré le fil, et derrière le pitch, il y avait un film.”Benoît Forgeard commence par écrire une version qu’il estime lui-même longue et touffue. “Le réfrigérateur intelligent changeait de sexe, refaisait sa vie au Canada et racontait son histoire en flash-back. Mon producteur Emmanuel Chaumet m’a conseillé, à raison, de revoir ma copie. J’ai loué la chambre la plus austère dans la ville la plus lugubre, donné un billet au propriétaire pour qu’il planque les codes wifi et me suis remis au travail toute une semaine, dix heures par jour.” Côté interprétation, Benoît Forgeard s’est entouré de William Lebghil – “je le connais depuis près de dix ans” –, de Philippe Katerine – “il était le président de la République de mon précédent film, Gaz de France, et il fait toujours bon travailler auprès de Philippe, son soleil réchauffe” – et de Doria Tillier – “je l’ai choisie uniquement sur son talent, c’est ignoble, mais c’est comme ça”. Le tournage a eu lieu dans l’ouest parisien, le décor principal étant à Noisy-le-Roi, dans les Yvelines. “C’était  en hiver. On s’est souvent caillé. Nous avons eu des intempéries très brutales, de la neige partout sur le gros plan de Doria, puis, le temps de tourner la caméra pour le contre-champ sur William, plus de neige du tout. On s’est aussi fait caillasser par des riverains une nuit où nous faisions trop de bruit. Je ne leur jette pas la pierre, j’aurais fait pareil à leur place. C’est ce genre de souvenirs qui soudent une équipe.”

Rien ne prédestinait Jérem (excellent William Lebghil), éternel adulescent, et Yves, réfrigérateur dernier cri, à se rencontrer et encore moins à cohabiter. Rappeur raté, bien incapable de se faire cuire un œuf ou de balayer ses miettes, Jérem cultive l’art de la lose. Ce n’est pas un simple poil qu’il a dans la main mais toute une moquette, même pas bonne à fumer. Il mène une vie de patachon pépère, allant de la cuisine à la chambre, du canap à l’ordi, incapable de produire grand chose de bien probant, au grand dam de son impresario désespéré (le loufoque Philippe Katerine). À ce rythme-là, aucune rentrée d’argent à l’horizon, et si notre trentenaire a encore un toit sur la tête, c’est grâce à l’appartement de sa grand-mère qu’il peut squatter.
Pas de quoi être fier et peut-être est-ce pour cela qu’il embobine So, l’enquêtrice qui le sonde en lui racontant qu’il est policier. Un bobard qui le rend éligible pour tester gratis un sémillant frigidaire intelligent et à la langue bien pendue baptisé Yves. Si de prime abord le smart-frigo, à peine sorti d’usine, ne semble pas avoir inventé l’eau tiède et paraît juste bon à pasticher les humains, progressivement son intelligence artificielle va s’avérer redoutable. D’abord docile avec son nouvel usager, il va rapidement s’enhardir et prendre des initiatives bien contrariantes pour ce dernier. Finis les sempiternels repas régressifs de Jérem, dont la capacité à cuisiner se limite à écraser des biscuits et des bananes dans un bol de lait ! Jugeant que cela défie les plus élémentaires règles de la diététique, Yves, programmé pour procurer bonheur et santé à ses bénéficiaires, prend les rênes et commandera désormais des légumes, non mais ! Même le chien de la maisonnée se doit de manger équilibré. Jérem, qui a accepté de participer au test à cause des caddies de bouffe gratuits, commence à s’en mordre les doigts. D’autant plus quand, non content de lui faire avaler des carottes, Yves commence à donner son avis sur tout ce qui se passe dans sa vie, prompt à critiquer et à donner des leçons. Rien n’échappe au cerveau électronique de ce qui se passe sur l’ordinateur de son maître, ni sur les réseaux sociaux : bienvenue dans le monde des objets connectés ! 
Jérem n’a bientôt plus aucun secret pour son frigo, qui finit, c’est le pompon, par carrément s’immiscer dans sa vie privée et ses compositions musicales… Bientôt, les seules choses qui retiennent notre homme de flanquer l’importune boîte à glace à la rue, ce sont les doux yeux de So, qu’il rêve secrètement de revoir, sans oser prendre les devants, jusqu’à ce qu’Yves, dans un élan d’attention bienveillante, s’en mêle et sème une sacré pagaille dans leurs vies respectives.
C’est un univers satirique hilarant dans lequel nous sommes plongés, une fable contemporaine presque glaçante malgré le fait qu’on rigole fréquemment. Yves a le sens de la répartie, il nous époustoufle, on finirait presque par le trouver plus humain que les humains eux-mêmes, en tout cas plus finaud, et par éprouver plus d’empathie pour lui que pour nos semblables, tout juste bons à pondre des morceaux de rap d'une banalité crasse.
Voilà Yves fin prêt à piquer la vedette aux vulgaires mortels. Tout comme les protagonistes de l’histoire, on sombre dans une vague d’anthropomorphisme délirante, prêtant au placard frigorifique toutes sortes d’intentions, même des comportements de chaud lapin, avant de se souvenir que la vengeance est un plat qui se mange froid et que dans ce domaine également, Yves est le mieux pourvu !