Jusqu'à la garde TP

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Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.

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Un couple se sépare. Trop banale issue d’une histoire d’amour qui s’est perdue en chemin, laissant sur le bord de la route les deux enfants dont il faut pourtant impérativement tenir compte, si possible sans faire trop de dégâts collatéraux. La famille Besson a éclaté en mille morceaux et la tension est palpable en cette ultime audience devant la juge : Madame et Monsieur, chacun flanqué de son avocate, viennent exposer leur point de vue sur les modalités du divorce. L’enjeu est de taille puisque Madame demande la garde exclusive du fils cadet (la fille aînée, elle, a l'âge de choisir) alors que Monsieur réclame la garde alternée. On comprend vite, à l’électricité qui sature l'atmosphère, à la manière dont chacun détourne le regard pour ne surtout pas croiser celui de l’autre, au silence lourd et pesant qui semble s’être imposé après trop de cris et de paroles, que ce qui se joue dans ce bureau est vital.
Dans ce long plan séquence d’une maîtrise impressionnante, on saisit toute la complexité de la situation, et aussi toute la dramaturgie de cette histoire qui commence, du moins qui commence pour nous spectateur, car pour Miriam et Antoine, elle dure déjà depuis trop longtemps. Chacune des parties va argumenter, de manière concise et presque chirurgicale, et bien malin le spectateur qui pourrait, dès cette scène d’exposition, dire qui a tort et qui a raison, qui est victime, qui est coupable, qui manipule qui, à supposer que le tableau soit aussi simple que cela. 
On va donc se disputer la garde de Julien, le fils qui ne veut plus voir « l’autre », ce père massif et sans doute trop autoritaire, ce colosse au regard d’enfant qui vient quant à lui, tel un agneau fragile, assurer qu’il a changé, qu’il aime ses enfants, qu’il a besoin de les voir grandir, de les serrer dans ses bras et qu’il a déjà fait beaucoup pour se rapprocher d’eux, comme quitter son travail pour venir s’installer près de l’endroit où leur mère a choisi de vivre. Quand Miriam prend à son tour la parole, c’est pour dire qu’elle ne veut que le bien de ses enfants, qu’elle n’aspire qu’à vivre en paix, enfin, et si possible refaire sa vie. Mais on a l'impression que ses yeux disent autre chose que ses paroles, qu’elle voudrait aussi posées que possible… Au fond de son regard on lit tout simplement la peur, l’angoisse et la détresse d’une femme, d'une mère.
Et la juge va trancher. La garde sera alternée. C'est un bouleversement pour le jeune Julien qui n’a pas son mot à dire, tiraillé entre cette mère bienveillante et protectrice et ce père aimant mais maladroit et parfois brutal qui veut, comme un bon élève, ne rien faire de travers. L’équilibre de ce nouveau mode de vie est précaire, le quotidien est tendu comme un arc et si chacun contient sa rancœur, son amertume, ses peurs, on sent bien que la moindre étincelle pourrait mettre le feu à tout l’édifice. Et on sent bien aussi que le feu intérieur de la jalousie, de la frustration, de l’humiliation sociale est toujours à deux doigts d'allumer la mèche qui pourrait faire exploser Antoine…
Pour un coup d’essai – puisque c'est un premier long métrage –, c’est réellement un coup de maître. Le récit de cette déchirante séparation, filmé sans pathos mais avec une tension qui vous prend aux tripes, est une plongée fascinante dans l’une des plus complexes machineries humaine et sociale : le couple, ou ce qu’il en reste. Grâce à une mise en scène d'une belle fluidité qui flirte subtilement avec le thriller, le film ne tombe jamais dans une approche trop psy ou manichéenne de ses personnages, chacun pouvant être approché sous toutes ses facettes (les deux comédiens sont époustouflants). Xavier Legrand ne juge jamais ses protagonistes mais tente au contraire de montrer qu’ils sont pris dans un engrenage affectif, mental, social, juridique, qui les dépasse. L’écriture est de toute évidence inspirée de situations malheureusement bien réelles tant le film sonne juste dans sa restitution d'une réalité complexe et brutale. C'est beau, c'est fort, c'est incroyablement palpitant et c'est une sacrée découverte !