The Innocents -12

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Un été, quatre enfants se découvrent d’étonnants pouvoirs et jouent à tester leurs limites, loin du regard des adultes. Mais ce qui semblait être un jeu d’enfants, prend peu à peu une tournure inquiétante..

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Festival de Cannes 2021 : Un certain regard

Jeux d’enfants

Comme le souligne son titre, Les innocents entretient une filiation évidente avec le classique homonyme tourné en 1961 par Jack Clayton d’après Le tour d’écrou d’Henry James et, dans une certaine mesure, avec Le village des damnés réalisé l’année précédente par Wolf Rilla. Ce deuxième long met en scène des enfants animés de pouvoirs surnaturels, sous la houlette du Norvégien Eskil Vogt, par ailleurs le scénariste attitré de Joachim Trier, lui-même de retour en compétition cette année avec Julie (en 12 chapitres). En tant que réalisateur, Vogt s’est fait remarquer en obtenant dès 2005 le prix du jury européen du festival Premiers Plans d’Angers pour son court métrage d’école Les étrangers. Il a également signé Une étreinte (2003), un épisode de la série TV Uti vår hage et Blind: un rêve éveillé qui a obtenu le prix du meilleur scénario au Festival de Sundance et le label Europa Cinemas à la Berlinale 2014, ainsi que le grand prix du jury à Annonay en 2015. Les innocents est une coproduction norvégo-suédoise entre Mer Film et Zentropa International Sweden, soutenue par Eurimages et le Swedish Film Institute. Protagonist Pictures en assure les ventes internationales.

 

 

Le titre renvoie immanquablement au film magnifique réalisé en 1961 par Jack Clayton d’après Le Tour d’écrou, le chef d’œuvre gothique de Henry James. Mais le seul point commun entre The Innocents d’Eskil Vogt et celui de Clayton est de mettre en scène des enfants au cœur d’un récit d’angoisse et de suspense. Dans le film britannique, les enfants étaient menacés par une possession démoniaque et leur éventuelle cruauté ne pouvait leur être imputée. Tandis que chez Eskil Vogt – qu’on connaît comme co-scénariste de tous les films de Joaquim Trier, du tout premier Nouvelle donne en 2006 jusqu’au tout récent Julie (en 12 chapitres) – il est question de gamins chez qui l’innocence n’est pas forcément innée. Si bien que ce The Innocents norvégien s’inscrit plutôt dans la lignée de films sur l’enfance et le mal, tels le mémorable Sa majesté des mouches (1963) de Peter Brook, l’étonnant Les Révoltés de l’an 2000 (1976) de l’espagnol Narciso Ibañez Serrador ou, pour citer un autre film scandinave, le remarquable Morse (2008) du suédois Tomas Alfredson.
Mais revenons à nos supposés innocents. Deux jeunes sœurs emménagent un été avec leurs parents dans une nouvelle résidence donnant sur un petit étang, et bordée d’une forêt luxuriante. Mais Anna, l’aînée, est autiste et Ida, la cadette, se sent donc très seule dans ce quartier où elle ne connaît encore personne. Alors quand le jeune Ben, qu’elle vient de rencontrer, propose à Ida d’abandonner quelques instants la surveillance de sa sœur pour aller jouer dans la forêt, elle n’hésite pas. Elle le regrette d’autant moins que Ben lui montre ses pouvoirs de télékinésie : il est capable de dévier la trajectoire d’un caillou, ce qui évidemment amuse beaucoup la fillette. Mais très vite Ben va faire preuve d’une cruauté inattendue, qui terrifie et fascine à la fois sa nouvelle amie. Et dans le même temps, la montée en puissance démoniaque de Ben va éveiller en réaction des capacités insoupçonnées chez Anna, la sœur autiste, reliée par télépathie à une autre petite fille de la cité…
Le film met brillamment en scène la montée de l’angoisse, savamment dosée, et la sensation permanente que règne l’imprévu et l’imprévisible, ce qui est la marque des grands films fantastiques, qui savent glisser le surnaturel au cœur du réel le plus ordinaire.
La tension permanente – quelques scènes vont vous faire agripper solidement les accoudoirs de votre fauteuil ou le genou de votre voisin – et la fascination exercée doivent autant au talent des quatre jeunes actrices et acteurs, qui savent basculer de l’ingénuité à la violence la plus inquiétante, qu’à la mise en scène et la photographie qui mettent en valeur le contraste entre les architectures rectilignes et froides de la résidence et la beauté organique de la forêt, dans l’été scandinave marqué par de très longues journées ensoleillées. Et peu à peu, alors que les pouvoirs des enfants grandissent, le film devient de plus en plus prenant et surprenant. Une belle réussite !