Judy

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Hiver 1968. La légendaire Judy Garland débarque à Londres pour se produire à guichets fermés au Talk of the Town. Cela fait trente ans déjà qu’elle est devenue une star planétaire grâce au Magicien d’Oz. Judy a débuté son travail d’artiste à l’âge de deux ans, cela fait maintenant plus de quatre décennies qu’elle chante pour gagner sa vie. Elle est épuisée. Alors qu’elle se prépare pour le spectacle, qu’elle se bat avec son agent, charme les musiciens et évoque ses souvenirs entre amis ; sa vivacité et sa générosité séduisent son entourage. Hantée par une enfance sacrifiée pour Hollywood, elle aspire à rentrer chez elle et à consacrer du temps à ses enfants. Aura-t-elle seulement la force d’aller de l’avant ?

Vos commentaires et critiques :

Très belle évocation de l’actrice Judy Garland lors de ses derniers concerts à Londres, elle mourra six mois plus tard dans cette même ville victime des barbituriques.
Octobre 1938. Dans le studio de la Metro Goldwyn Meyer vient de s’amorcer le tournage du futur triomphe Le magicien d’Oz. À une toute jeune Judy Garland, Louis B. Meyer lui-même explique qu’elle n’a pas le plus beau visage ni les plus belles dents, mais qu’elle possède une voix hors du commun. Il y a quelque chose de sourdement menaçant dans la voix doucereuse du tout-puissant bonhomme. Et il y a ce compliment, qui ressemble davantage à de la destruction psychologique. Judy, le film, revient dans ce passé faussement brillant afin d’éclairer le triste présent, l’essentiel de l’intrigue se déroulant trente ans plus tard, à une époque où l’actrice et chanteuse désargentée en est réduite à courir le cachet.
1968 on découvre ainsi une Judy Garland contrainte de se produire au noir dans des bouis-bouis en compagnie de ses deux plus jeunes enfants. Vrai qu’à l’époque, elle était devenue impossible à assurer à force d’engagements annulés ou ratés : accro aux médicaments de longue date, l’ancienne fiancée de l’Amérique…
Jetée par le dernier hôtel qui acceptait encore de lui faire crédit, la voici à la rue avec sa progéniture. Dans le taxi qui les emmène vers une destination incertaine, Lorna, la fille cadette, supplie sa mère de ne pas s’endormir en la voyant avaler un comprimé. « Ce n’est pas un de ceux qui font dormir, chérie », répond Judy. L’air inquiet mais résigné de la petite, celui, préoccupé mais absent de l’adulte : rien à ajouter.
Inadéquate de maintes façons, Judy n’en aime pas moins ses enfants de tout son être. Or, pour pouvoir recouvrer leur garde, elle est contrainte d’accepter une série de concerts à Londres, le seul endroit où un promoteur est encore disposé à l’accueillir. Cruelle disgrâce après une série de comédies et de drames musicaux à succès comme Le chant du Missouri (Meet Me in St. Louis, où elle créa le classique Have Yourself a Merry Little Christmas) ou Une étoile est née (A Star Is Born, avec l’autre classique The Man That Got Away), déjà un premier « retour » professionnel pour elle.
C’est qu’Hollywood aime broyer ses vedettes. Qui plus est lorsque la vedette est femme et qu’elle a passé l’âge de jouer les ingénues.
Tiré de la pièce End of the Rainbow, en référence à la chanson phare Over the Rainbow composée pour Le magicien d’Oz (The Wizard of Oz), Judy aurait pu se résumer à un énième portrait de déchéance glamour dont le showbiz a le secret. À vrai dire, le film, dont la trame reste prévisible, est parfois cela. Ainsi, après une première réussie, les tendances autodestructrices de la star déchue la rattrapent. Dès lors, à chaque soir son suspense : pourra-t-elle chanter, voire se tenir debout ? Mais le film va au-delà de la formule, notamment avec ces flash-back déjà évoqués qui, loin d’être accessoires, remettent en perspective les déboires du moment en leur donnant une genèse. On pense par exemple aux pilules coupe-faim (des dérivés d’amphétamines) que le studio forçait Judy Garland à consommer, à l’instar de somnifères, les premières provoquant de l’insomnie atténuée par les secondes. L’expression « body-shaming » n’existait pas alors, mais c’est bien ce qu’on infligea à l’adolescente de 16 ans. Ça laisse des traces. Et ça use prématurément. Ces blessures psychiques et physiques, Renée Zellweger les porte dans son regard, dans sa posture, dans sa voix. Et quelle voix ! Car elle interprète elle-même toutes les chansons du film. On a beau l’avoir entendue chanter dans Chicago, ici, c’est autre chose. On est scié par la charge émotionnelle qu’elle déploie, ses cordes vocales on ne peut plus à la hauteur d’un point de vue purement technique. Pour le compte, c’est là un « retour » pour elle également. Venu du théâtre, Rupert Goold signe en effet une première réalisation dont le confinement trahit davantage un petit budget jamais transcendé, faute d’une réelle vision, qu’un parti pris intimiste. Direction photo sobre, pas de caricature nostalgique à la direction artistique… Bref, c’est adéquat, mais guère mémorable. En somme, on parle d’un bon petit film bénéficiant d’une grande performance. Ce que livre Renée Zellweger, incandescente en étoile qui achève de se consumer.