Réparer les vivants TP

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Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…

Vos commentaires et critiques :

Transmigration

Pour que toute la magie de ce film opère (et elle est bien réelle), il faut l'aborder l'esprit vierge, loin de sa genèse, en s'efforçant d'oublier le roman de Maylis de Kerangal. Lâcher prise, accepter de ne pas y retrouver cette intimité si particulière que permet la lecture. Un livre, on le parcourt à son propre rythme, on l'arrête, on le reprend, on prend le temps de l'habiller de nos chimères, d'imaginer les personnages. Lire c'est déjà interpréter, adapter. L'adaptation de Réparer les vivants à l'écran, c'est celle de la cinéaste de son co-scénariste et elle vient forcément télescoper celle des lecteurs. Plus moyen de s'engouffrer dans les silences laissés entre les lignes. Qu'importe ! Pour peu qu'on accepte une sensibilité différente de la nôtre, c'est toute la richesse d'un univers cinématographique touchant et formidable qu'on a à gagner. 
Cela commence par un accident bête. Mais quel accident ne l'est pas ? De Simon on connait juste l'essentiel : il est aimé, il aime la vie, il est jeune et blond comme un ange. On sait aussi qu'il pousse le romanesque jusqu'à sortir de la piaule de sa petite amie par la fenêtre, tel un Roméo ayant volé quelques baisers. C'est le petit matin et il file rejoindre ses copains. Surfeurs unis comme des mousquetaires venus flirter avec des sensations exaltantes dans la fulgurance des éléments, peut-être pour mettre à l'épreuve cet élan vital qui bouillonne en eux. Puis c'est rassasiés d'émotions fortes, et heureux, qu'ils s'en retournent aborder les moments plus classiques de leur existence. L'ambiance dans la camionnette est apaisée, la musique les berce doucement, un peu trop… Jusqu'à s'endormir au volant…
On ne s'attardera pas sur le destin brisé de Simon, on n'exploitera pas les larmes légitimes qui pourraient en découler. Nul besoin de s'appesantir sur la tristesse de la famille. C'est au contraire l'énergie de vie qui va primer par delà la mort. On est dans le concret, le désir de réparer les vivants qui s'entend autant pour les patients que pour les soignants et pour les proches. Il va falloir d'abord aider les parents à comprendre la situation, essayer de leur dire avec délicatesse que Simon ne sera plus, mais que grâce à ses organes, des vies pourraient être améliorées ou sauvées, des vies d'inconnus qui le resteront à tout jamais… C'est toute une chaîne solidaire, bienveillante, qui se met en route pour accompagner chacun dans son cheminement et dont on va suivre un à un les maillons. De la simple infirmière au grand professeur, en passant par le plus humble brancardier, tous sont importants, quelque soit leur rôle. À l'instant même où ils apparaissent à l'écran, on s'y attache spontanément puis on accepte de les laisser disparaître sans nostalgie. Simples et irremplaçables vaguelettes d'une grande marée humaine, qui viennent miroiter dans la lumière, qu'on admire quelques instants avant qu'elles ne retournent se fondre dans l'anonymat d'une matrice universelle. Ce sont autant de petites mains admirables toujours prêtes à soigner, à perpétuer la vie, qui font preuve d'une humanité tout simplement intimidante.
Il fallait du talent, une équipe investie pour parvenir à ce sentiment de symbiose hors du temps, à cette forme de concentration et de calme dans l'urgence. C'est un film pour les âmes sensibles, sans une once de pathos gluant qui vienne dégouliner dans les interstices d'une scène. Nulle séquence choquante ou sanguinolente, aucun effet spectaculaire. Certes rien n'est tu ou caché, mais tout est distancié, feutré. On y parle bien sûr du don d'organe, mais plus encore du don de soi.