The Beta Test

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Agent à succès dans un Hollywood frénétique au bord de l'effondrement, Jordan Hines est sur le point de se marier. Son univers bascule lorsqu'il reçoit une lettre anonyme l'invitant à un mystérieux rendez-vous sexuel...

Vos commentaires et critiques :

 

Jim Cummings, dont on avait beaucoup aimé le premier film, Thunder road, portrait d’un flic loser et keatonien, a décidément le sens des scènes d’introduction. Dans le déjà cité Thunder road, le héros se sentait obligé, aux funérailles de sa mère, d’improviser une chorégraphie très approximative sur une chanson de Bruce Springsteen, artiste qu’affectionnait particulièrement sa défunte maman. Une scène qui captait immédiatement notre attention tout en créant un drôle de malaise, ou un malaise drôle si vous préférez. Au début de The Beta test, nous sommes dans un de ces appartements high tech de Los Angeles où on a l’impression que quelqu’un passe toutes les dix minutes le chiffon sur la table en verre ou sur les baies vitrées donnant sur l’océan tellement tout est clean et aseptisé. Une jolie femme blonde semble anxieuse et tourne en rond, avant de passer un coup de fil inexplicable pour signaler à la police une dispute conjugale. Puis, l’air toujours angoissé, elle rejoint à table son compagnon, beau comme une gravure de mode et au demeurant d’un calme olympien. Là encore, malaise… On ne vous racontera pas la suite mais autant vous dire qu’elle part en vrille, en sucette, en live, en cacahuètes…
On passe ensuite au personnage principal du film : Jordan, un agent d’Hollywood ambitieux (pléonasme, je sais) à la coiffure gominée et aux costumes croisés impeccables qui, avec son collègue et « ami » PJ, vouent leur existence à la course au fric, au paraître, aux relations superficielles où l’on s’échange du « that's great ! » à propos de tout et donc de rien. Jordan serait à deux doigts d’avoir au moins un lien sincère avec sa fiancée Caroline, qu’il s’apprête à épouser, mais ce prétendu mariage d’amour l’intéresse en fait beaucoup moins que les opportunités de lancer sa carrière.
Tout va basculer quand il reçoit, dans une prometteuse enveloppe violette, une invitation pour une relation sexuelle à l’aveugle avec une inconnue, dans un hôtel de luxe voisin. Dans une société où les réseaux sociaux brisent votre réputation en quelques clics, où toute votre vie peut être surveillée, séquencée, vendue à des prestataires commerciaux, cette proposition est on ne peut plus dangereuse… mais oh combien tentante… Et du coup la vie de Jordan va être envahie par une paranoïa obsessionnelle.
L’intrigue est palpitante, traversée de bouffées lynchiennes, truffée d’hallucinations dont on a du mal à déterminer la part de vérité, et portée aux sommets du bizarre et de l’inquiétant par la composition géniale de Jim Cummings, mélange de Jim Carrey et de Christian Bale dans le rôle du psychopathe d’American psycho. Les réalisateurs se livrent à une satire impitoyable de Hollywood et plus largement du capitalisme à l’ère numérique. Un monde où l’on sadise gratuitement les subordonnées (séquence atroce où Jordan s’acharne sur son assistante, avant que sa collègue lui dise gentiment pour la consoler : « t’inquiète, c’est juste Hollywood. ») et où l’on s’écrase devant les puissants (Jordan se fait humilier par un certain Harvey, allusion à peine voilée à Weinstein), où l’on bluffe sur à peu près tout, où l’amitié est un concept absolument bidon et où votre propre vie ne vous appartient plus réellement. Chronique au vitriol d’un univers en plein effondrement.
Présentant son film – tourné pour quelques centaines de milliers de dollars, une misère à l’échelle de la moindre production hollywoodienne – au Festival du film américain de Deauville, Jim Commings l’a introduit par un cinglant « Fuck Hollywood ! ». Ce sera le mot de la fin…