Si demain

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Esther reçoit anonymement un carnet, écrit 20 ans plus tôt sous forme de journal intime par une jeune fille dont l’histoire fait écho avec la sienne, elle qui est en pleine rupture amoureuse. Poussée par sa meilleure amie, Esther se met en tête de retrouver l’autrice et d’apprendre ce qu’elle est devenue. Son enquête se transforme en un véritable voyage intime au travers duquel Esther se libère, se déploie, se reconstruit.

Vos commentaires et critiques :

 

Julie Moulier impressionne en femme brisée se reconstruisant en se lançant dans une enquête très mystérieuse dans le nouveau film, un road movie, de Fabienne Godet
"De l’autre côté de la frontière. Je cherche quelqu’un qui a disparu." Parfois, quand l’existence tourne en boucle, qu’on se débat dans les abîmes de l’incapacité à surmonter des deuils, la moindre porte de sortie qui s’entrouvre peut nous aider à nous extraire de nous-mêmes, à éclairer nos affres en miroir, à découvrir que nos douleurs résonnent dans d’autres dimensions et que la quête de l’altérité (aussi absurde semble-t-elle au premier abord, nourrie d’hypothèses et de projections imaginaires) réinvite le soleil dans nos vies obscures. Tel est le fil conducteur de Si demain, le nouveau long métrage de l’humaniste Fabienne Godet, projeté en première française au 22e Arras Film Festival et qui permet à Julie Moulier (déjà très remarquée dans Nos vies formidables, l’opus précédent de la cinéaste, et récemment dans Enquête sur un scandale d’État) de démontrer toutes ses qualités d’interprétation d’une sensibilité physique exacerbée. "Tu vas continuer comme ça combien de temps ? Ça fait des jours que tu ne dessaoules pas. Sors-toi ce mec de la tête !" Lena (la Belge Lucie Debay) a de quoi sérieusement s’inquiéter pour son amie la traductrice Esther (Julie Moulier) qui se détruit méthodiquement au point de s’effondrer dans le caniveau et de finir à l’hôpital quand elle n’est pas prostrée dans son appartement, enchaînant les nuits blanches et relisant sans répit une lettre de rupture. Mais c’est un journal intime, déposé sur le pas de sa porte, sans qu’Esther ne sache par qui, ni pourquoi, qui donne l’impulsion d’un début de remontée vers la surface. Ce récit plonge Esther à l’été 2001 à Toulouse à travers les mots d’une jeune femme désespérée, survivante d’un accident de moto ayant emporté son grand amour ("te survivre, réapprendre le monde mais le monde est vide sans toi … Mon corps n’existait plus, comme effacé. Envie de mourir. J’aurais dû mourir avec toi"). Des confessions qui intriguent Esther (qui n’a jamais mis les pieds à Toulouse) qui commence, encouragée par Lena, une enquête à distance, puis la poursuit sur place, de plus en plus obsédée par cette inconnue disparue sans laisser de traces et dont les états d’âme la renvoient en écho à son propre vide existentiel. Remontant une piste ténue parsemée d’indices elliptiques, Esther prend la route de l’Espagne et ira même jusqu’à Lisbonne, croisant notamment en chemin un énigmatique auto-stoppeur (Arnaud Valois), une sorte de bel Hermès ou de deus ex machina qui aura également un rôle à jouer dans une trajectoire en boucle élargie. Façonnant son film comme une lettre ouverte, offerte à l’interprétation, Fabienne Godet met à nu la vulnérabilité dans toute sa violence affective, solitaire et psychologique. Une radiographie du mal-être humain et des ressorts de survie (l’imagination, l’amitié, les chemins de traverse, le dépouillement progressif, le soleil, les nouveaux horizons, etc.) dissimulée sous une enveloppe presque policière de circonstance (un scénario à la fois habile et un peu téléguidé signé par la réalisatrice, Claire Mercier et Franck Vassal avec la collaboration de Sophie Fillières). Un étrange road movie pour mieux cerner le processus d’acceptation de la perte et de la mortalité humaine, de compréhension profonde des puissances du cœur à passer des ponts et à se réinventer sous d’autres formes, et dans d’autres décors.