White Building

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Sammang, 20 ans, habite dans un immeuble historique de Phnom Penh. Le départ de son meilleur ami, la maladie de son père et la démolition imminente du bâtiment vont le faire grandir.

Vos commentaires et critiques :

 

Rares, rares et véritablement dépaysants sont les films cambodgiens, qui donnent à entendre la langue khmer heurtée et chantante comme un torrent de montagne. Ce petit pays de 16 millions d’habitants manque certes de moyens et il faut saluer ce parcours tenace du combattant qui permet à ce tout premier long métrage dirigé par un jeune natif de voir le jour et de porter jusqu’à nous un témoignage vu de l’intérieur sur une société en pleine mutation.
C’est l’histoire d’une jeunesse belle mais pas dorée dans un Phnom Penh qui, progressivement, se transforme, perd des pans de murs comme autant de pans de son histoire. « White Building », fastueuse résidence d’état jadis destinée aux fonctionnaires du ministère de la Culture, n’est plus que l’ombre d’elle-même, une barre d’immeuble qui n’a plus de blanc que le nom, vestige d’un passé pourtant prometteur. Le plan d’urbanisme d’alors, à la « belle » époque du roi Sihanouk, s’inspirait de l’architecture brutaliste (Le Corbusier & cie…) et confiait son devenir à des mains expertes telles celles de Vladimir Bodiansky, Lu Ban Hap […] pour moderniser la capitale. Puis est arrivé ce que l’on sait… Le régime des Khmers Rouges, un pays vidé de sa substantifique moelle pour difficilement renaître de ses cendres et de ses charniers.
Ce White Building qui se desquame désormais et dans lequel vit Samnang, le double du jeune réalisateur à vingt ans, est donc un lieu hautement symbolique, un refuge réinvesti dans les années 1980 par une population meurtrie à laquelle il n’était pas dédié, sans moyens pour l’entretenir. Un ghetto / havre de paix malgré tout où le ciel, malgré les sempiternelles fuites des toits, persiste à ne pas tomber sur la tête de ses habitants. Tous aiment ce lieu pourtant insalubre, y vivent portes grandes ouvertes malgré la promiscuité du voisinage. Il y a de la convivialité dans l’air, le sens de l’entraide et, si Samnang rêve de s’envoler loin de là pour devenir danseur professionnel, il n’en est pas moins attaché à cette micro-société qui a su recréer une ambiance de village à l’intérieur de la capitale. C’est donc un choc quand le gouvernement vend à prix d’or le terrain à une compagnie japonaise sans scrupules qui n’aura de cesse que d’exproprier, moyennant une compensation dérisoire, les rares propriétaires impuissants, ce qui réveillera dans le cœur de Samnang l’envie de se battre…
Ce joli film, guidé par la grâce et la langueur typiques du « pays du sourire », se découpe en trois parties… Bénédictions raconte l’insouciance de la jeunesse ; la Maison aux esprits parle de ces présences invisibles, du poids des obligations sociales, culturelles, religieuses auxquelles il est difficile d’échapper et qui creusent le fossé générationnel ; la Saison de la mousson est plus douce-amère, comme un impossible retour en arrière, un tiraillement entre les racines et l’avenir qui appelle à se déraciner. Une forme de nostalgie pénètre les cœurs en même temps que la pluie chaude transperce les nuages. Vraiment, on le redit, un jeune réalisateur à suivre, un point de vue aussi lumineux qu’émouvant pour parler de vieux Phonm Penh dont les beaux reflets désabusés se défont progressivement dans les flaques après l’orage.