Plaire, aimer et courir vite TP

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1990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite.

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CANNES 2018: COMPÉTITION

Voie sans issue

De retour en compétition après Les chansons d’amour en 2007, Christophe Honoré réunit dans Plaire, aimer et courir vite Vincent Lacoste, prix Patrick-Dewaere 2016, et Pierre Deladonchamps, César 2014 du meilleur espoir masculin pour  L’inconnu du lac. L’histoire d’amour trop brève d’un étudiant rennais et d’un écrivain parisien dans les années 1990, au moment même où le Sida fait  des ravages parmi la communauté gay et sonne le glas d’une certaine insouciance sexuelle. “C’est  une histoire qui est contée avec beaucoup de tendresse, a confié Pierre Deladonchamps à Europe 1.  Il y a du romanesque dans la manière dont ils s’apprivoisent. (…) Christophe Honoré a aussi voulu parler d’art dans ce film : les deux personnages sont passionnés par le cinéma, la mise en scène, la littérature.” Ce que questionne en effet le réalisateur à travers cette évocation où l’intime tend vers l’universel, c’est l’absence béante laissée par cette génération sacrifiée, ces livres que n’a pas  écrit Hervé Guibert (L’homme blessé), ces pièces dont nous ont privé Bernard-Marie Koltès (Dans la solitude des champs de coton) et Jean-Luc Lagarce (Juste la fin du monde) ou ces films qu’aurait dû signer Cyril Collard (Les nuits fauves). Une sorte de devoir de mémoire qui prendrait l’allure  d’un travail de deuil, décrit par Honoré comme “charnel et intime mais sans bravoure” mais dont il “assume sa part de mélodrame”.

D'abord il y a ce titre, lumineux, malicieux et intriguant, comme la belle promesse – largement tenue – d’une épopée amoureuse fredonnée entre rires et larmes. Ensuite il y a Cannes, tout de même, où Christophe Honoré est donc sélectionné pour la seconde fois, plus de dix ans après Les Chansons d’amour, qui reste l’un de ses plus beaux films. Il y a enfin le casting, audacieux, qui ose l’improbable rencontre entre trois magnifiques comédiens aux parcours et aux registres très différents, dont la confrontation à l’écran fait des étincelles : un trio que l’on n’est pas près d’oublier.
Si le mot « tendresse » a pu être trop souvent utilisé, sans doute à tort et à travers, essoré jusqu'à ce qu’il perde sa fraîcheur, son goût simple et sa texture, c’est pourtant celui qui s’impose tout au long de ce film aussi magnifique qu’exigeant. Une tendresse bienveillante et solaire qui, selon les rayons des astres qui la prodiguent, prend aussi des allures d’amitié, d’affection, d’admiration, de désir charnel ou de passion. C’est une tendresse qui ne détruira pas, qui n’abîmera pas mais qui, au contraire, tirera tous les protagonistes vers quelque chose de beau et de grand qui les dépassera alors, comme seules savent le faire les véritables et sincères rencontres d’une vie. Derrière cette tendresse protéiforme, on imagine aisément celle de Christophe Honoré lui-même pour ses comédiens d’abord, puis pour les êtres qu’il a aimés, pour les vivants et pour les morts, pour les artistes, les auteurs, et tous ceux qui l’ont nourri et guidé.
Cette façon bien singulière qu’il a de raconter son histoire fait de Plaire, aimer et courir vite une œuvre qui touche de manière universelle car qui n’a jamais été durablement transformé par une rencontre avec un être, un poème, un film, un roman ?
Aimer. Pour Jacques, brillant écrivain qui vit seul à Paris avec son fils, c’est un verbe qui ne se conjugue plus qu’au passé. Jacques a aimé, beaucoup, passionnément, pour une soirée ou pour plus longtemps, mais aujourd'hui il s’interdit de nouvelles rencontres… Jacques ne veut plus s’engager, il se sait condamné par le virus du sida.
Plaire. Pour Arthur, 20 ans, étudiant dilettante à Rennes, plaire est un mode de vie. Plaire à la fille qui est amoureuse de lui, plaire à sa bande de potes, plaire pour un regard et quelques corps croisés au hasard d’une nuit d’été. Arthur aime plaire et se plait aussi à aimer… dans l’instant, pour le présent, sans honte, sans gêne et toujours avec la grâce de sa jeunesse, vivante et insouciante.
Courir vite. Dès la rencontre de Jacques et d’Arthur, fulgurante et légère, la course folle commence. Courir contre le temps qui manque, courir pour se sentir vivant, courir pour s’aimer pleinement sans entrave, sans masque, sans calcul, avec cette force unique d’une histoire d’amour qui commence, cette liberté de tous les possibles… Tous les possibles ? Non, car cette histoire porte aussi en elle le sceau du renoncement.
Vif, drôle, émouvant, entre énergie vitale et mélancolie assumée, entre comédie romantique et mélodrame, Plaire, aimer et courir vite résonne comme un beau contrepoint du 120 battements par minute de Robin Campillo qui a illuminé nos écrans l’an dernier…