Divines -12

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Dounia 16 ans, vit seule avec sa mère dans la cité des Pyramides, où elle est affublée du surnom de bâtarde. Elle s’est forgée une carapace de garçon manqué et a décidé de devenir caïd. Une amitié fusionnelle et une passion amoureuse vont la mettre face à ses contradictions.

Vos commentaires et critiques :

QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2016

Besoin de reconnaissance

“À l’origine du film, il y a les émeutes de 2005, raconte Houda Benyamina. Je me suis demandé pourquoi cette colère n’avait pas abouti à une véritable révolte. Au final, il n’y a pas eu de revendications, les jeunes ont brûlé des voitures en bas de chez eux et ne sont pas sortis du périmètre dans lequel ils étaient cantonnés. Sans intelligentsia, sans le verbe, la réaction à l’injustice ne reste qu’un cri vain et sans écho.” La jeune réalisatrice commence à écrire un scénario avec Malik Rumeau, ami d’enfance devenu metteur en scène de théâtre. “J’ai vite compris qu’on ne s’improvise pas scénariste, pas plus qu’on ne devient chirurgien du jour au lendemain. Je me considère comme auteure réalisatrice, mais j’ai trop de respect pour la dramaturgie pour me dire scénariste.”Le développement du scénario passe par une rencontre avec Romain Compingt (Populaire) et une résidence d’écriture du Groupe Ouest. Le film est produit par Easy Tiger (Marc-Benoît Créancier), déjà là pour les courts de Houda Benyamina. Reste à faire le casting. Via l’association 1000 Visages et divers ateliers, notamment, plusieurs comédiennes vont émerger comme Déborah Maimouna, d’autres, telle Oulaya Amamra, s’imposant sur le long terme. “Pour moi, le plus important chez ces actrices était qu’elles soient enseignables et aient la capacité d’incarner des émotions qu’elles n’ont pas vécues, avec humanité, intelligence et avec un point de vue. Je ne saurais filmer des gens bêtes. Je ne saurais filmer des gens bêtes. Je demande à mes interprètes de me suivre à la vie à la mort, même si je les emmène droit dans le mur. J’exige qu’elles y croient quoi qu’il en coûte. C’est la base”

Bande de filles

Voilà un film qui a du clitoris ! Et pas qu'un peu ! À l'instar de sa réalisatrice et de ses actrices, de vraies bombes pétillantes : « Vingt pains de dynamite » dit Les Inrocks !
Cent ans après la révolte des ouvrières du textile aux States, qui ne se contentaient pas de réclamer du pain mais voulaient aussi des roses, Dounia veut plus que des biffetons : elle revendique ce qui est précieux, et inaccessible à celles de son rang : l'or ! Plus qu'un pouvoir d'achat, tout un symbole ! Il faut avoir des rêves suffisamment énormes pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant… Ceux que notre époque propose à Dounia semblent mesquins et étriqués, incapables d'étancher sa soif de liberté, sa curiosité. Il y a chez elle une force vive en son sein qui en fait plus qu'une rebelle : une résistante. À la prof qui lui fait jouer le rôle d'une hôtesse d'accueil soumise, elle finit par répliquer avec une drôlerie, une pertinence insupportables pour l'institution qui la taxera d'insolence. Pourtant elle devrait avoir un 20/20 en matière de lucidité et de répartie !
Qu'attendre d'une société qui relègue une partie de ses gosses à la case « banlieue », citoyens de seconde zone, dès leurs premiers pas ? L'avenir consisterait à avaler des couleuvres, tenter de s'intégrer sagement aux rares places accessibles dans le monde du salariat ? Et quoi d'autre ? Se fondre dans des tenues moulantes ou sous un voile selon les fantasmes des mecs auxquels on veut plaire ? Décidément Dounia n'est pas dupe. La voilà partie pour se frayer son propre chemin de traverse à travers cette jungle d'hypocrisie, en compagnie de sa plus fidèle amie Maimouna. Ensemble elles forment le plus pur des duos, un tandem façon Laurel et Hardy au féminin, aux répliques savoureuses. L'une aussi grande et forte que l'autre est gringalette. Tour à tour effrontées ou tendres, gentilles mais jamais serviles. Au lieu de le subir, voilà qu'elles soutiennent le regard des garçons, qui les matent « comme des big mac au milieu du ramadan ». Mieux, elles décortiquent leurs gestes, se les approprient, les reproduisent : embryons de caïds sans jupons, indomptables !
Et naturellement, de combine en combine, leurs pas vont les porter dans l'antre de la big boss, la dealeuse du quartier : Rebecca… Celle qui se paye les plus beaux gosses et se fend d'une petite claque sur leurs fesses pour les renvoyer à la case Kent, jouet sexuel, façon : « Hey poupée, va m'attendre à côté, j'ai des affaires sérieuses à traiter ! ». Maimouna et Dounia sont estomaquées et admiratives : c'est comme si, soudain, la docilité et la domination pouvaient changer de camp. Rebecca les prend d'abord de haut, ces merdeuses, les toise, puis, décidément… le culot de Dounia fait pencher la balance. Après les avoir testées, elle les affranchit, les endurcit, leur apprenant à être toujours moins impressionnables… Rien ne paraît pouvoir faire vaciller la détermination de Dounia. Si ce n'est cette rencontre, avec Djigui, un danseur fascinant et hypnotique, qu'elle épie, s'ouvrant à un univers artistique, chargé d'une sensualité inconnue jusque là… 
Mais le plus bel amour de l'histoire reste celui des deux âmes sœurs, fidèles à la vie, à la mort : Dounia et Mamounia, qui nous font sourire, éclater de rire, pleurer, nous bouleversent et donnent envie de bastonner toutes les injustices. Dans leur fusion il y a un message universel, qui tire vers le haut, le sacré… les rend définitivement divines.
C'est un film brillant, emballant, interprété par des actrices incroyablement efficaces et justes malgré leur jeune âge. Des têtes bien faites tout droit élevées au dessus de 1000 visages, association crée par la réalisatrice pour promouvoir un cinéma plus représentatif de la richesse et la diversité de notre pays.