Apnée -12

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Céline, Thomas et Maxence marchent toujours par trois. Comme la trilogie de la devise républicaine.
Ils veulent se marier, une maison, un travail, des enfants sages et manger tous les jours des huîtres.
Insoumis et inadaptés à une furieuse réalité économique et administrative, ils chevauchent leurs quads de feu et traversent une France accablée, en quête de nouveaux repères, de déserts jonchés de bipèdes et d’instants de bonheur éphémère.

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SEMAINE DE LA CRITIQUE 2016

Insoumis et inadaptés

Dans son travail de mise en scène, Jean-Christophe Meurisse a toujours fait référence au cinéma. Sa compagnie Les Chiens de Navarre qu’il a créée en 2005 lui permet de monter des créations collectives mais, comme il le dit lui-même, “au-delà du performatif, je voulais plus de narration, de continuité, de notion de personnages. Je désirais raconter une histoire et voir des images autrement qu’à la scène”. Apnée est parti d’un scénario avec une trame, des situations, tableaux, décors, mais pas de dialogues. “On ne savait pas ce qu’on allait dire exactement pour trouver cet hyper présent. J’aime quand l’acteur écrit ou invente ses propres dialogues. Il n’est plus en état de penser ce qu’il va jouer. Il est vrai, accidentel, infantile.” Son film, en forme de road movie, suit “Céline, Thomas et Maxence qui marchent toujours par trois. Comme la trilogie de la devise républicaine. Ils veulent se marier, avoir une maison, un travail, des enfants sages et manger tous les jours des huîtres”. Le film est interprété par trois comédiens de la troupe des Chiens de Navarre : Céline Fuhrer, Maxence Tual et Thomas Scimeca. Un long métrage produit par Emmanuel Chaumet pour Ecce Films. 

 

Le «trouple»

L'inclassable Apnée serait le croisement hautement improbable entre la poésie visuelle de Tati, le dadaïsme belge, l'errance du trio amoureux des Valseuses, une dose de foldinguerie montypythonesque, les dialogues délirants et absurdes que l'on pourrait croire sortis d'une chanson de Bobby Lapointe ou la tendre outrance et l'amour des personnages décalés de Delépine et Kervern. Bon, les fâcheux et tristes sires trouveront à redire à juste titre du scénario sans queue ni tête. Encore que sans queue pas vraiment puisque le film s'introduit en générique par une scène fascinante de patineurs masqués et nus… ça vous fait froid dans le dos tant on sait les ravages potentiels d'une lame aiguisée de patin. Mais peu importe, reprocherait-on à Raymond Queneau de ne pas être totalement compréhensible ? Laissez-vous emporter par la folie des protagonistes et de leur voyage en toute liberté.
Au départ il y a la découverte inspirante par Jean-Christophe Meurisse d'un fait divers drolatique : un maire brésilien un peu ivre avait été révoqué pour avoir accepté de marier un couple à trois. Et de là l'idée de ce « trouple » (un couple à trois ), Céline, la blonde lunatique, Maxence et Thomas, le grand dadais et le nounours barbu, un vrai trio burlesque qui a décidé d'absolument tout faire à trois, et d'abord se marier en faisant totalement péter les plombs à un maire dans une scène anthologique. À partir de là les scènes hallucinantes vont se succéder, toutes aussi génialement incongrues les unes que les autres, égratignant au passage les conventions (une scène de dîner de « famille » est inoubliable ).
La force et la liberté du film tiennent énormément à l'improvisation de cette troupe d'acteurs qui se connaissent depuis dix ans et à la beauté visuelle de chaque tableau (comme celui où les personnages prennent un bain à trois dans une boutique avec vue sur la rue). Et à chaque séquence on se surprend à dire « oh non ! » ou « waou »…et c'est tout simplement jubilatoire.