Les Beaux jours d'Aranjuez 3D

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Un beau jour d’été. Un jardin. Une terrasse. Une femme et un homme sous les arbres, dans un léger vent d’été. Au loin, dans la vaste plaine, la silhouette de Paris. Un dialogue commence, des questions et des réponses entre la femme et l’homme. Il s’agit d’expériences sexuelles, de l’enfance, des souvenirs, de l’essence de l’été et de ce qui différencie les hommes et les femmes, l’instinct féminin et la perception masculine. Dans la maison ouverte sur la terrasse où sont la femme et l’homme : l’écrivain imagine ce dialogue et le tape à la machine. Ou est-ce l’inverse? Seraient-ce les deux personnages, là, dehors, qui lui racontent ce qu’il couche sur le papier : un ultime et long dialogue entre un homme et une femme ?

Vos commentaires et critiques :

Littérature en 3D

Peter Handke et Wim Wenders sont amis depuis 1966 et depuis, ils ont souvent travaillé ensemble, de L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty et Faux mouvement aux Ailes du désir. Et voilà que l’écrivain autrichien et le cinéaste allemand culte ont voulu se retrouver pour une collaboration très spéciale dont le résultat, Les Beaux Jours d’Aranjuez, est en compétition à la Mostra de Venise. Ce “drame estival” tourné par Wenders en 3D est tiré d’une pièce de Handke qui est sortie en Allemagne en 2012 et dont la première version a été écrite en français pour l’actrice Sophie Semin, épouse de Handke depuis 1990. Sophie joue de nouveau dans le film, face au Français Reda Kateb, et avec également le comédien allemand Jenze Harzer dans le rôle de Handke lui-même. Ce sont les trois seuls acteurs du film, si l’on exclut deux apparitions exceptionnelles : celles de Nick Cave, qui chante et joue au piano Into My Arms, et de Peter Handke, qui fait le jardinier en toile de fond. L’œuvre, produite par Wenders à travers sa société Neue Road Movies avec Paulo Branco pour Alfama Films (qui en gère aussi les ventes internationales), s’ouvre sur “Perfect Day” de Lou Reed tandis que défilent des vues d’un Paris de carte postale, fixes mais fluctuantes, dans un format 3D que Wenders l’expérimentateur a de nouveau conçu comme un instrument narratif capable d’ouvrir des dimensions nouvelles à la participation émotive à l’histoire et au destin des personnages. La scène se déplace ensuite d’un coup dans le jardin d’une villa, aux abords de la capitale. C’est là qu’un couple d’amis se lance dans un jeu raffiné mais implacable : se raconter leurs expériences sexuelles et se dévoiler leurs souvenirs les plus enfouis et inavouables. Dans un bureau situé dans la villa qui a vue sur le jardin, un écrivain imagine leur dialogue et le couche sur le papier, en français, bien qu’il soit de langue allemande. Il y a sur son bureau un ordinateur, mais c’est d’une machine à écrire qu’il se sert parce qu’il est, comme Handke, allergique à la technologie. Les deux amis ne sont pas des amants, mais ils sont complices dans ce jeu auquel on assiste. Elle révèle des détails de ses aventures érotiques, attisant de plus en plus la curiosité de son ami. Il se rappelle sa promenade dans les bois d’Aranjuez, où se trouve la Maison du Laboureur, qui fut une des résidences de la famille royale espagnole. Le titre du film est emprunté au premier vers du poème dramatique Don Carlos, infant d’Espagne de Schiller ("Les beaux jours d'Aranjuez sont passés..."), mais on a l’impression que Peter Handke est vraiment allé dans la ville espagnole. On comprend bien comment ce texte a pu représenter la déclaration d’amour d’un poète à sa femme française, car il est chaste et impudique à la fois, profondément honnête dans son désordre, conscient de la distance entre homme et femme, révélateur d’une bataille contre l’esprit hostile qui commande à son âme comme à son corps ("celui qui s’aime est perdu dès le départ”). La mise en scène du dialogue par Wenders en fait un livre pop-up tridimensionnel qu’on effeuille page à page, pour découvrir un cinéma qui ne cesse de repousser ses propres limites.