120 battements par minute TP

Vous aimez ce film, notez le !
La note moyenne actuelle est de 16,00 pour 1 vote(s)
Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.

festival de cannes : grand prix 2017
festival de cannes : prix FIPRESCI 2017
festival de cannes : queer palm 2017
prix François Chalais : 2017

Vos commentaires et critiques :

CANNES 2017: COMPÉTITION

Orgueil et préjugés

À travers la saga du mouvement Act Up,né en 1989, Robin Campillo évoque dans 120 battements par minute les années Sida et les ravages provoqués par cette épidémie au sein d’une communauté homosexuelle à la fois démunie et stigmatisée. Il a écrit ce film militant avec le concours de Philippe Mangeot, président de l’association entre 1997 et 1999, lequel a déjà collaboré au scénario des Nuits d’été (2014) de Mario Fanfani. Dans les rôles principaux : l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart, bientôt à l’affiche d’Au revoir là-haut d’Albert Dupontel et Si tu voyais mon cœur  de Joan Chemla, Arnaud Valois, révélé à cannes dans Selon Charlie (2006) de Nicole Garcia, et Adèle Haenel, César 2014 du meilleur second rôle pour Suzanne de Katell Quillévéré et César 2015 de la meilleure actrice pour Les combattants de Thomas Cailley. Produit par Hugues Charbonneau et Marie-Ange Luciani pour Les Films de Pierre, avec Page 114 (la société de Jacques Audiard) et le concours de Memento Film Production, France 3 Cinéma, FD Productions et des préachats de Canal+, Ciné+, le troisième long métrage du réalisateur des Revenants (2004) et Eastern Boys (2013) a obtenu l’Avance sur recettes et le soutien de Ciclic - Région Centre-Val de Loire. Il sortira le 23 août sous la bannière de Memento.

Ils étaient jeunes, fougueux, gourmands à vouloir goûter jusqu'aux fruits défendus. Certains timides, d'autres exubérants, de tous horizons et de tous styles. Tous avaient la vie devant eux et mordaient dedans à bouche que veux-tu, sans complexe, sans crainte, sans penser à s'économiser, ni à se protéger. Mai 1968 était passé par-là, puis 1982 avec des modifications de loi, un vent de liberté semblait vouloir balayer les préjugés rétrogrades. On avait le droit d'aimer qui on voulait ouvertement, ou presque, et on n'allait pas s'en priver ! Insouciance savoureuse des années 1990… 
Puis parvinrent des rumeurs lointaines, incertaines, sur une maladie qui frappait on ne savait encore trop comment, laissant libre cours aux fantasmes les plus extravagants. Soudain il devenait périlleux de boire dans le verre d'un autre, de croquer dans la même pomme, d'échanger des baisers, sans parler de la gaudriole… Une partie du microcosme hétérosexuel tentait sottement de se rassurer en constatant que les victimes appartenaient principalement à la communauté gay. Les pires pisse-froid moralisateurs allaient même jusqu'à y voir l'intervention ciblée d'une main invisible punissant les liaisons contre-nature des seuls « pédés ». C'était avant de constater que le fléau s'abattait également sur « d'innocents » hémophiles… avant qu'on ne comprenne le mode de propagation du virus du Sida…
Le film démarre dix ans plus tard dans un petit amphithéâtre plein comme un œuf, lors d'une vivifiante réunion d'Act Up Paris. On y discute stratégie, on décide des actions, l'imagination est au pouvoir. Ils s'appellent Pierre, Paul, Jacques, Nathan, Sophie, Éva, Hélène, Muriel… ils ont pour eux la fougue, la jeunesse, ou pas, ils sont homo, gouines, ou pas… Séropositifs, en pleine santé, ou pas… En dépit de leurs différences, de leurs egos, de leurs grandes gueules, ils sont tous animés par cette magnifique ambition : rendre visible les invisibles, ceux qui meurent dans un silence gouvernemental irresponsable, voire coupable, parce que complice des laboratoires pharmaceutiques qui privilégient leurs intérêts financiers au détriment de l'intérêt général ! Sempiternel leitmotiv qui rend l'épopée de ces activistes atemporelle si bien que, des années plus tard, elles résonne toujours aussi puissante, brûlante d'actualité, d'urgence. Ensemble ils vont construire une forme de lutte joyeuse, impertinente qui n'a pour tous moyens que la solidarité, le courage, l'intelligence collectifs.
Face à l'injustice, à l'indifférence, au mépris, ils ne vont baisser ni les yeux, ni les bras ! Ils vont s'acharner, développer une forme d'expertise pour aller se confronter aux élus, aux médecins, faire activer la mis en place des traitements. Ils étaient à l'avant garde de leur temps, ils le seront aussi en matière de VIH. Vivre intensément ! Lutter férocement ! Bien loin du « pour vivre heureux, vivons cachés » cher à notre époque, ils vont crier à la face du monde ce qu'il ne veut pas entendre. S'ils provoquent, montrent leur nombril ou leur cul, ce n'est pas dans l'espoir d'obtenir plus de « like » sur une page, mais pour secouer le cocotier d'une société muselée par les tabous.
120 battements par minute… C'est comme une accélération du cœur, une accélération du temps pour ceux qui n'en ont plus à perdre. 120 bpm, musique, ce n'est pas le tempo d'un requiem, c'est celui d'un rythme qui percute, d'une ode à la vie, à la force vitale. C'est le tempo des corps qui se cherchent, qui se trouvent avant de s'enlacer éperdument, tendrement dans l'intimité de la nuit… L'eurythmie d'une jeunesse qui exulte, qui court, danse fougueusement sur l'air de Smalltown boy de Bronski Beat pour faire la nique à la mort ! Même le dance-floor peut-être un terrain de jeu politique.
Robin Campillo nous fait rentrer magnifiquement dans l'intimité d'un combat qui fut aussi le sien (et n'oublions surtout pas son co-scénariste Philippe Mangeot qui fit aussi partie de l'aventure). À la Grande Histoire d'une génération, il mêle des histoires individuelles émouvantes mais sans pathos, il raconte la peur, la grandeur et la noblesse d'âme de ses compagnons de colère, parfois perdus en route. Ce n'est pas pour rien qu'il a su galvaniser une pléiade d'acteurs qui interprètent ces engagés de la première heure de façon juste et formidable ! Après l'accueil triomphal au Festival de Cannes, les avant-premières de 120 battements par minute soulèvent un enthousiasme extraordinaire : n'hésitez pas, rejoignez le mouvement !