Good Time -12

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Un braquage qui tourne mal… Connie réussit à s'enfuir mais son frère Nick est arrêté. Alors que Connie tente de réunir la caution pour libérer son frère, une autre option s'offre à lui : le faire évader. Commence alors dans les bas-fonds de New York, une longue nuit sous adrénaline.

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CANNES 2017: COMPÉTITION

La petite évasion

Révélé par Lenny and the Kids, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2009, Mad Love in New York, prix de la Cicae à Venise en 2014, et des documentaires tels que Buttons (2011), coréalisé avec Alex Kalman, et Lenny Cooke (2013), Benny et Joshua Safdie signent avec Good Time une drôle de descente aux enfers dans les bas-fonds new-yorkais, où un braquage raté contraint l’un de ses auteurs en cavale à imaginer un stratagème crédible pour faire évader son frère emprisonné. Le script de ce film indépendant a été imaginé par Josh Safdie avec son complice habituel, l’acteur Ronald Bronstein, son frère Ben y tenant un rôle aux côtés de Robert Pattinson, vu à Cannes dans Cosmopolis (2012) et Maps to the Stars (2014) de David Cronenberg, et Jennifer Jason Leigh, nominée l’an dernier à l’Oscar du meilleur second rôle féminin pour Les huit salopards de Quentin Tarantino. Dans la foulée de Good Time, qui sortira en France le 11 octobre, les frères Safdie se sont déjà lancés dans la préproduction de leur film suivant, Uncut Gems, dont le rôle principal devrait être interprété par Jonah Hill.

Pour une fois qu'on trouve un cinéaste – en l'occurrence ils sont deux, frères comme les Coen ou les Dardenne –, pour une fois donc qu'on trouve deux gars capables de rivaliser sans rougir avec le maître du thriller urbain new yorkais, Martin Scorsese s'il faut le nommer, on ne va se priver d'exprimer notre contentement ! On a donc enfin déniché avec Good time un film qui se hisse au niveau d'After hours (1985, plus de trente ans, ouh la, ça ne nous rajeunit pas !), le film culte de la lose absolue et des circonstances calamiteuses qui s’enchaînent pour le pire, où le malheureux noctambule incarné par Griffin Dune va de mal en pis, de Charybde en Scylla et de mauvaises rencontres en foirages improbables dans la nuit de la ville qui ne dort jamais, New York s'il est nécessaire de la citer.
La scène d'ouverture, assez saisissante, pose les personnages : Nick, physique marmoréen et regard vague, nous apparaît comme un très grand garçon légèrement handicapé mental en train de se faire interroger par un psychologue, probablement en vue de son admission dans un établissement spécialisé. Puis surgit un homme semble-t-il sain d'esprit qui l'arrache violemment à sa chaise et à l'entrevue en dépit des tentatives du thérapeute pour l'en empêcher. C'est son frère Connie, dont il est visiblement très proche. Est-ce pour son bien ? Pas sûr si l'on en croit la séquence suivante : les deux hommes se couvrent le visage d'un masque en caoutchouc et commettent un braquage qui évidemment échoue lamentablement et aboutit à l'arrestation de Nick tandis que Connie prend la fuite. Et bien que la mission paraisse impossible, car faire échapper un détenu embastillé à Rykers, la gigantesque prison insulaire new-yorkaise, semble aussi simple que de vouloir dévaliser une banque suisse, Connie n'a de cesse qu'il ait échafaudé un plan imparable pour faire sortir Nick…
La mise en scène virtuose des frères Safdie enchaîne tambour battant les situations de plus en plus catastrophiques générées par Connie au fil de l'échec de ses tentatives successives, en même temps qu'elle filme formidablement le monde des petites gens de Queens, ce quartier un peu délaissé de New York – et qui risque bien de l'être de plus en plus puisque c'est le berceau de Donald Trump… On ressent presque physiquement le pavé humide sur lequel s'échouent souvent tous les espoirs des petits malfrats, sur lequel les classes populaires tentent de se frayer un chemin pour survivre de l'autre côté du pont qui les sépare de Manhattan, synonyme (illusoire) de réussite.
Mais ce qui marque aussi dans Good time, c'est le formidable duo d'acteurs : Ben Safdie dans le rôle de Nick, impressionnant d'intensité physique, et le décidément passionnant Robert Pattinson dans celui de Connie, ange à la fois bienveillant et maléfique, capable littéralement du pire pour sauver son frère. Une preuve de plus, après le formidable Lost city of Z, que l'ancien jeune premier de Twilight a pris une vraie dimension et affirme une puissance, une palette dans son jeu d'acteur qui auraient bien mérité un prix d'interprétation à Cannes. On a également plaisir à revoir la trop rare Jennifer Jason Leigh en fiancée (dés)abusée de Connie. Les frères Safdie, jusqu'ici icônes d'un cinéma indépendant et fauché dans la veine de Cassavetes, passent un cap avec ce bijou noir qui les fait entrer de plain pied dans la cour des grands.