A Beautiful Day TP

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La fille d’un sénateur disparaît. Joe, un vétéran brutal et torturé, se lance à sa recherche. Confronté à un déferlement de vengeance et de corruption, il est entraîné malgré lui dans une spirale de violence...
  • Titre original : You Were Never Really Here
  • Fiche mise à jour le 09/04/2020
  • Classification : Tous publics
  • Année de production : 2017
  • Réalisé par : Lynne Ramsay
  • D'après l'oeuvre originale de :
  • Acteurs principaux : Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola
  • Date de sortie : 08 novembre 2017
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France : SND
  • Distributeur international : non renseigné
  • Durée : 90 minutes
  • Origine(s) : Grande-Bretagne
  • Genre(s) : Thriller Drame
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : 2.39 Scope
  • Format son : 5.1
  • Visa d'exploitation : non renseigné
  • Indice Bdfci :
    67%

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CANNES 2017: COMPÉTITION

Un enfer pavé de mauvaises intentions

Lauréate à deux reprises du prix du jury cannois pour ses courts métrages Small Deaths, en 1996, et Gasman,en 1998, la réalisatrice écossaise Lynne Ramsay a obtenu une mention spéciale à Un certain regard pour Ratcatcher (1999), puis le prix de la jeunesse en 2002 pour Le voyage de Movern Callar. Elle revient en compétition, six ans après We Need to Talk About Kevin, en adaptant un roman de Jonathan Ames, intitulé Tu n’as jamais vraiment été là (2013), qui raconte les efforts déployés par un ancien combattant traumatisé pour sauver une adolescente des griffes d’un réseau de prostitution. Un thème qui n’est pas sans sans évoquer les scénarios de Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese et Hardcore (1979) de Paul Schrader, écrits par ce dernier, tout en offrant à Joaquin Phoenix une composition comme il les aime, et qui en fait l’un des favoris pour le prix d’interprétation masculine. Lui qui a déjà été cité à trois reprises à l’Oscar sans l’obtenir, vient d’incarner Jésus Christ dans Mary Magdalene de Garth Davis et s’apprête à tourner sous la direction de Jacques Audiard le western The Sisters Brothers.

Voilà un film choc, hypnotique, envoûtant, dérangeant qui va forcément diviser, entraîner des réactions diamétralement opposées, entre enthousiasme et détestation. Après tout c’est plutôt bon signe, on a la certitude de ne pas être en face d’une énième production fadasse et consensuelle !
Pour une fois le marketing qui accompagne la sortie du film vise juste en annonçant « le Taxi Driver du XXIesiècle » et en le comparant également au Drive du danois Nicolas Winding Refn. Pour ceux qui n’auraient jamais vu Taxi Driver, fabuleux film de Martin Scorcese – Palme d’or à Cannes en 1976, qui déclencha en son temps, comme aujourd’hui A Beautiful day, des polémiques quant à sa violence –, son héros, Travis Bickle, est un ancien marine vétéran du Vietnam, chauffeur de taxi à New York, particulièrement perturbé et obsédé par la libération des mœurs, par l’omniprésence du sexe dans les rues de la ville, qui se prend d’affection pour une prostituée mineure et qui va entreprendre de l’arracher des griffes de son proxénète, armes à la main.
Joe, l’anti héros de A beautiful day, est assez proche de Travis. Lui aussi est un vétéran, en l’occurrence des guerres d’Irak ou d’Afghanistan, hanté par ses démons et menant une vie solitaire avec pour seule compagnie sa vieille mère. On comprend vite que cet homme au physique imposant vit de missions très particulières : récupérer coûte que coûte et par des moyens extra-légaux des mineures en danger, toxicomanes ou victimes de réseaux de prostitution infantile. Son arme principale est un marteau, qui évoquera aux amateurs du cinéma coréen le personnage de Old boy de Park Chan-wook. La vie de Joe va sérieusement se compliquer quand la récupération de la fille d’un sénateur en campagne va tourner à l’imbroglio politico-mafieux alambiqué et le mettre aux prises avec des flics tueurs.
La réussite du film tient autant à la mise en scène fascinante de Lynne Ramsay qu’à son scénario torturé et à l’interprétation totalement bluffante de Joaquin Phœnix qui envahit tout l’écran. Mise en scène hypnotique : Lynne Ramsay filme les expéditions violentes de Joe non pas de manière frontale mais comme des rêves éveillés où souvent le personnage disparaît de l’écran, pour réapparaître à travers l’objectif d’une caméra de surveillance, déréalisant ainsi l’ultra-violence tout en la rendant finalement encore plus troublante. La récupération de la jeune fille du sénateur (qui au passage ressemble étonnamment à la Jodie Foster ado de Taxi driver) est une scène d’anthologie. Le titre original anglais, You were never really here, exprime bien, même s’il était inutilisable en France, l’aspect fantomatique du film et du personnage. Ramsay décrit également les espaces urbains de Cincinatti à New York comme d’immenses cauchemars planants au son envoûtant de Johnny Greenwood, qui évoque effectivement les villes traversées par la voiture du héros de Drive incarné par Ryan Gosling. À ces cauchemars se mêlent d’étonnantes scènes où Joe chez lui se livre à un rituel d’étouffement ou à des flash-back étouffants à travers lesquels on comprend qu’au-delà de la souffrance des autres, Jœ souffre intérieurement de drames de l’enfance.
Mais ce qui fait toute la force du film, c’est la présence physique impressionnante de Joaquin Phoenix, épaules larges, corps lourd et meurtri, que la caméra filme avec une sensualité trouble, très étrange. Sans avoir besoin des mots, l’acteur dessine un personnage tout en douleur et violence rentrée. Après ses prestations magnifiques dans les films de James Gray notamment, Joaquin Phoenix confirme sa personnalité hors norme et son immense talent.