Dogs -12

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Roman est de retour sur les terres de son grand-père qu’il vient de recevoir en héritage. Alors qu’il décide de vendre cette propriété où rien ne pousse, il se retrouve confronté à des malfrats dont son aïeul était le chef. Ces derniers ne reculeront devant rien pour préserver cette terre au centre de leur trafic.

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CANNES 2016 - UN CERTAIN REGARD

Voyage au centre de la terre

Le premier long métrage du cinéaste roumain Bogdan Mirică a été soutenu par la Fondation Gan pour le cinéma dès 2014.Selon son réalisateur, qui a passé sept ans à tourner des spots de pub avant d’être primé au festival Premiers Plans d’Angers pour son court métrage Bora Bora en 2011, “les héros de Dogs savent que leur nature profonde est corrompue et ne peuvent rien faire pour y remédier. Sans doute parce que cette contradiction les constitue intégralement et qu’il ne leur est pas possible d’y remédier. Dogs raconte l’histoire de trois hommes qui finalement, malgré les apparences, se ressemblent énormément. Ils ne font pas que s’affronter entre eux. Leur véritable bataille est celle qu’ils mènent contre eux-mêmes. ”La bande originale de Dogs, qui revendique son appartenance au cinéma de genre, a fait l’objet d’une attention particulière de la part du réalisateur :il a constitué préalablement une playlist dont il s’est imprégné pendant cinq ans. “Elle était composée de musiques de films, de morceaux classiques, mais d’aucune chanson, car les mots me distraient”, explique Mirică qui a puisé pour l’essentiel dans les BO de Paris Texas par Ry Cooder et celles composées par Nick Cave pour The Proposition et L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, que l’on retrouve d’ailleurs au générique de La danseuse de Stéphanie Di Giusto, également présenté à Un certain regard. 

Les chiens

Un nouveau venu dans la famille des cinéastes roumains, qui décidément n’en finit pas de s’agrandir et surtout de nous épater. Avec Dogs, Bogdan Mirică frappe un grand coup à la porte de nos salles obscures et on le laisse entrer avec plaisir et enthousiasme. Espérons seulement que, de votre côté, vous vous laisserez tenter par ce premier film. Un film aux allures de nouveau western avec ces plaines à perte de vue à peine accidentées par quelques collines, un flic tuberculeux en fin de carrière qui ressemble définitivement à un shérif du Far West et une trouvaille macabre et insolite. Ajoutez-y un héritier plongé dans cette Roumanie profonde qui lui est étrangère, un territoire immense au bord de la frontière avec la Bulgarie, écrasé par le soleil et qui suscite beaucoup de convoitise. Vous obtenez tous les ingrédients d’une fable amorale et désabusée, mise en scène comme un film noir.
Dans le plan d’ouverture, d’une grande simplicité, tout est dit de ce qui attend Roman. Il se tient à un carrefour, au milieu de nulle part, d’où partent plusieurs routes, pistes ou sentiers. Il est à la croisée des chemins, et ses décisions futures auront sur sa vie un impact qu’il ne mesure pas encore complètement.
Roman est un jeune citadin qui hérite d’une terre qu’il ne connaît pas, léguée par un homme qu’il ne connaissait guère plus. Il hérite de la maison, de la voiture aussi et d’un chien affectueusement baptisé « Police » qui aboie pour un oui pour un non… mais peut-être pas. Roman est juste là pour la liquidation. Cet héritage, il n’en veut pas, il ne saurait pas quoi en faire, la maison peut-être, pour les week-ends et encore, l’endroit est vraiment trop paumé. Il attend des acheteurs et c’est très bien comme ça. Pourtant à la nuit tombée, un étrange ballet de phares illumine ce territoire jusque là désert.
Pendant ce temps le vieux shérif se voit remettre la trouvaille pour le moins singulière qui va éveiller sa curiosité mais surtout épuiser les dernières réserves de tolérance qu’il lui restait encore envers les quelques autochtones depuis trop longtemps en délicatesse avec la loi. Pour lui pas de doute, tout converge vers l’héritage…
Les chiens du titre, ce sont évidement les hommes qui peuplent ce récit. Il faut dans cette contrée reculée, abandonnée par l’État, des mâles alpha pour diriger la meute. Non que tous les personnages soient des brutes, mais le rapport de domination, de dissuasion, quitte à employer la force et la violence, organise cette communauté. 
Bogdan Mirică met en scène cette réalité roumaine avec une belle maîtrise, laissant son récit naviguer entre chronique sociale et thriller. Il nous surprend en alternant des plans magnifiques des paysages arides et désertés et des séquences de tension qui vous collent au fauteuil. Comme cette formidable scène de chasse nocturne, dont nous ne savons rien du gibier, sauf que ce pourrait être simplement le chasseur…
À l’instar de son compatriote Cristian Mungiu, dont on pourra voir prochainement le formidable Baccalauréat, Bogdan Mirică alerte sur son pays en danger, corrompu et abandonné au profit d’une société mafieuse et violente. Optant pour le cinéma de genre, Dogs marque, à n’en pas douter, les premiers pas d’un cinéaste à suivre.