Police

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Virginie, Erik et Aristide, trois flics parisiens, se voient obligés d'accepter une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Sur le chemin de l'aéroport, Virginie comprend que leur prisonnier risque la mort s'il rentre dans son pays. Face à cet insoutenable cas de conscience, elle cherche à convaincre ses collègues de le laisser s'échapper.

Vos commentaires et critiques :

Ce nouveau film d’Anne Fontaine vaudrait le coup rien que pour ses acteurs : Efira, Sy, Gadebois, quel trio ! Mais c’est en plus un film très intelligemment construit, qui réussit à s’émanciper des piètres représentations qu’on a souvent de la police, qu’on l’admire sans nuance ou qu’on appartienne au camp des anti-condés primaires. 
La réalisatrice parvient, grâce à une écriture ciselée, à faire mouche, à tenir son propos de bout-en-bout sur un sujet qui avance pourtant en terrain glissant. Elle réussit à contourner la polémique, montre les hommes et les femmes sous les uniformes, sans les condamner, ni les porter au pinacle. Elle les ramène à leur condition d’humains imparfaits et fragiles, leur tend un miroir devant lequel ils ne peuvent échapper ni à leur conscience, ni à leurs responsabilités. C’est comme une audience où l’on écouterait les circonstances atténuantes sans qu’elles excusent les actes, mais où nul ne voudrait endosser le rôle de juge, surtout pas nous en tant que spectateurs.
Si seulement le scénario commençait par la fin avec trois flics anonymes en train de reconduire honteusement à la frontière un pauvre innocent n’ayant commis d'autre délit que celui d’être né dans le mauvais pays… notre camp serait vite choisi et on aurait tôt fait de mettre dans le même panier cette flicaille sans cœur. On ne percevrait peut-être pas monter de la même façon les doutes et les remords qui vont assaillir les protagonistes de cette micro-tragédie malaisante. Seulement il y a un avant… Un début de journée qui nous fait d'abord emboiter les pas de Virginie. Avant que la sonnerie du réveil ne se fasse entendre, il lui aura fallu pouponner le môme qui hurle dès potron minet, après avoir essayé de négocier mollement avec son compagnon pas très chaud pour se lever le premier. On comprendra vite combien leur relation s’est fragilisée et combien les heures supplémentaires sur lesquelles elle se jettera ce soir-là seront une fuite pour ne pas avoir à rentrer chez elle, à s’expliquer. Dans le désordre on suivra également Erik (Grégory Gadebois), qu'on aurait définitivement relégué, si on s’était contenté des apparences, dans la catégorie des machos grognons. Sans l’incursion dans son intimité peu glorieuse, il nous aurait paru passablement exécrable. Progressivement on touchera du doigt à quel point il est un être à la dérive qui se protège derrière des barricades illusoires, plus fragiles qu’il n’y parait. Quant à Aristide (Omar Sy), toujours en train de se poiler et de fanfaronner en se vantant de ses conquêtes, on découvrira l’ampleur de sa solitude, sa peur du vide, son impossibilité à construire quelque chose de paisible. Finement seront égratignés au passage les préconçus sur la banlieue, l’immigration, la couleur de peau, quand il se moquera avec tendresse de sa maîtresse (car il en a une, qu’on vous laisse découvrir). Trois gardiens d’une paix inaccessible même pour eux-mêmes, à la fois puissants et impuissants face à la dureté des situations. Une brigade sur laquelle plane les désillusions et sur laquelle elles planeront d’autant plus quand ils se retrouveront pris au piège d’une mission contraire à leurs engagements. Car après tout, on peut supposer – en tout cas espérer – que ceux qui s’investissent dans de tels métiers le font plus dans l’idée de défendre les victimes que de les envoyer au massacre.
Et ce soir-là, face au dilemme que leur impose une administration aveugle, on sentira germer les prémices d’une petite résistance ordinaire.