Guermantes

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Paris, été 2020. Une troupe répète une pièce d’après Marcel Proust. Quand on leur annonce soudain que le spectacle est annulé, ils choisissent de continuer à jouer malgré tout, pour la beauté, la douceur et le plaisir de rester ensemble.

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C’est un objet inclassable, aux contours troubles et aux accents troublants, une épopée créatrice chevauchant plusieurs temporalités qui fait s’entrechoquer les salons bourgeois de la famille Guermantes à l’ici et maintenant de l’été 2020… au sortir de cet historique confinement.
Ni cinéma, ni théâtre, ni lecture, ni captation. Une fiction ? Peut-être… ou peut-être pas. Où est le vrai, où est le texte joué, où est l’impro ? Une seule vérité peut-être : celle des lignes sorties de l’œuvre de Marcel Proust,Le Côté de Guermantes, troisième tome d’À la recherche du temps perdu, que la troupe de la Comédie Française incarne avec un talent époustouflant. Dans un monde qui a basculé et perdu tous ses repères, quand le contact avec l’autre est devenu dangereux, il reste l’art, comme une bouée : c’est aussi de cela dont il sera question.
Le film s’ouvre sur une âpre discussion… Les comédiens du Français commentent une décision du comité d’administration : le spectacle imaginé par Christophe Honoré, librement inspiré de l’ouvre de Marcel Proust et dont la création a été interrompue pour cause de pandémie et de confinement, ne se jouera finalement pas à la rentrée.
Dès lors, quel sens doit-on donner aux répétitions prévues en ce début d’été ? A quoi bon préparer une pièce qui ne rencontrera jamais le public ? Pourquoi réanimer un projet mort-né ? En cette première matinée de répétitions, Christophe Honoré n’est pas encore au courant de cette décision… et c’est un groupe de comédiens partagés, aux avis divergents, qui s’avance vers lui… Il est le metteur en scène, il a son mot à dire, il veut répéter, quoiqu’il en coûte… pour la beauté du geste, pour la pratique de leur art, pour ne pas renoncer.
On pourrait alors croire que le film n’a pas encore commencé, croire que Guermantes sera un film qui racontera les répétitions d’une œuvre qui ne se jouera pas. Erreur d’appréciation. Le film a bel et bien commencé depuis les premières seconde du générique et le voyage promet d’être surprenant. Plus qu’une plongée dans l’œuvre de Marcel Proust, c’est la rencontre avec une troupe, une façon de travailler, une philosophie, presque un art de vivre qui nous sont proposés. Bien sûr, nous croiserons Madame de Guermantes, le jeune Marcel, Saint-Loup et les discussions de ce monde aristocratique… Nous assisterons au dernier souffle de la grand-mère, comme un écho, ou un hommage, à tous ces morts anonymes disparus dans les couloirs bondés des hôpitaux. Il y aura des robes d’époque, des chapeaux hauts de forme. Mais plus que tout cela, il y aura le spectacle vibrant des comédiens au travail. Et c’est magnifique : comment l’artiste passe de l’autre côté du miroir, comment le jeu se construit, se nourrissant du réel, de l’instant présent, de l’époque, s’inspirant des désirs qui l’entourent, faisant feu de tout bois pourvu qu’il serve l’œuvre, une scène, une inspiration, une réplique.
À ce moment-là du film, le spectacle est fascinant, nous sommes perdus et c’est un un vrai bonheur : Laurent Lafitte joue Basin de Guermantes pour Honoré, mais déjà, il répèteCyrano de Bergerac pour la saison prochaine… il est aussi Laurent Lafitte, réalisateur fébrile d’un premier long métrage dont la sortie a été repoussée pour cause de fermeture des cinémas. Et Dominique Blanc, est-elle la Marquise de Villeparisis, ou Dominique Blanc, comédienne soulagée de ne finalement pas jouer la pièce d’Honoré ?
Hormis une ou deux parenthèses superflues, c’est un film qui fait naître le désir après un trop long sommeil : celui de retourner au théâtre, et d’oser enfin s’attaquer à la lecture de Proust.



PS : le spectacle Le Côté de Guermantes d’après Marcel Proust, mis en scène par Christophe Honoré, a finalement été créé par la troupe de la Comédie-Française le 30 septembre 2020 au Théâtre Marigny.